Espace de libertés | Décembre 2018 (n° 474)

Édito

Le premier amendement de la Constitution américaine clame la protection de la liberté d’expression, de même que celle de la presse. Des libertés fondamentales que la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) a également sacralisées voici 70 ans, le 10 décembre 1948. Si nous évoquons ici le premier amendement, avant même le texte fondateur de la DUDH, c’est parce qu’étonnamment, tristement, c’est aux États-Unis qu’a été franchi, le 9 novembre dernier, un nouveau palier de délestage de ces fameux droits fondamentaux. Donald Trump ayant alors rudoyé publiquement – une fois de plus – un journaliste de CNN qui lui posait une question sur l’»enquête russe». Non seulement s’est-il comporté en chef de gang, mais aussi en fossoyeur de «la plus grande démocratie» de la planète, en retirant publiquement le micro à Jim Accosta. Mais surtout, ce journaliste, s’est ensuite vu retirer son accréditation auprès de la Maison-Blanche, ce qui le prive d’une source de première importance pour l’équilibre d’une démocratie: l’accès aux couloirs du pouvoir.

Un coup de canif dans le contrat du respect de la liberté de la presse que l’on retrouve aussi chaque fois plus fréquemment sur le continent européen. Même si ce dernier demeure le mieux classé en la matière par Reporters sans frontières qui affirmait déjà, en avril dernier lors de la sortie de son rapport annuel, que le mediabashing pratiqué par différents dirigeants politiques ne se situe plus uniquement dans les pays autoritaires et que cela constitue une menace pour nos démocraties. Parmi les funestes exemples, l’assassinat d’une journaliste qui enquêtait sur des suspicions de corruption à Malte, la Hongrie de Viktor Orbán voit son paysage médiatique indépendant réduit à peau de chagrin, tandis qu’en Roumanie, les autorités tentent de détourner le nouveau règlement sur la protection des données (RGPD) pour contraindre les journalistes à révéler leurs sources, sans oublier l’Italie, où le parti M5S, qui est à présent au pouvoir, n’hésite pas à communiquer publiquement les noms des journalistes qui le dérangent ou Chypre, où la presse ne peut s’exprimer librement sur les liens entre l’État et les biens des oligarques russes, que ce paradis fiscal abrite, au cœur de l’Union européenne. Sans oublier, bien entendu, hors Union européenne, les emprisonnements de journalistes par le régime d’Erdoğan. La liste des dirigeants délétères envers les journalistes est longue!

Pendant ce temps, la planète célèbre les deux tiers de siècle de la DUDH. Un texte né dans la foulée du «plus jamais ça».