Espace de libertés | Février 2021 (n° 496)

La loi du plus fort ne peut devenir la norme


Édito

La loi du plus fort doit cesser. S’il est une leçon que l’on peut encore tirer (il y en aura certainement d’autres) des derniers événements survenus aux États-Unis, c’est que la loi du plus fort ne peut devenir la norme. En pénétrant telle une horde de Vikings dans ce symbole de la démocratie qu’est le Capitole, en le saccageant, en brandissant fièrement leur irrespect revendiqué comme une marque de fabrique, ces contestataires ont employé la force plutôt que l’intelligence ou la médiation et le consensus démocratique. Cela nous a d’autant plus choqués que nombre de ces rustres font partie de l’extrême droite, dont on connaît les desseins politiques. L’autre danger réside dans leur propension à dispenser sans limites des croyances et des mensonges qu’ils imposent au nom d’un certain non-conformisme. Car ils ne sont quand même pas des moutons, eux ! Attention, l’idiocratie n’est pas loin. Mais elle ne doit pas faire la loi.

Et pourtant, en dehors de cet épisode spécifique, ne sommes-nous pas tou.te.s régulièrement confronté.e.s à cette loi du plus fort qui s’impose chaque jour un peu plus et fait fi de nos droits élémentaires, de notre intégrité et, par-dessus tout, de notre dignité ? Cela se passe à tous les instants sur les réseaux sociaux, pourvoyeurs d’insultes, d’agressions gratuites et d’affirmations tonitruantes qui effacent les propos argumentés. Cela se passe en pleine rue, lorsque les femmes se font insulter et harceler. Cela se passe au bureau, lorsque les abus de petits pouvoirs font office de management. Cela se passe enfin dans les cours de récréation, lorsque les plus âgés maintiennent les plus jeunes (et particulièrement les fillettes) dans la crainte de la résolution de différends par les coups. Il faut que cela s’arrête. Nous devons tou.te.s prendre nos responsabilités et ne pas laisser passer ni s’installer ces comportements intimidants. Nous devons inlassablement rétablir la réalité basée sur la raison, sur la science et sur l’esprit critique (le vrai !).

Ramener les partisans des théories du complot à la réalité n’est pas simple. Il faudra certainement sur le métier remettre l’ouvrage, encore et encore. Mais nous devons par-dessus tout nous préoccuper de l’impact de cette tendance sur les plus jeunes. En plein apprentissage théorique et culturel, en pleine découverte de la vie, tout simplement, ils sont sensibles et malléables. Il est donc d’autant plus crucial de leur proposer des bases solides pour qu’ils forgent leur esprit critique, de les outiller pour qu’ils soient capables de faire face à la désinformation. L’école et les enseignants sont au cœur de cette tempête. Raison pour laquelle nous pensons qu’il est extrêmement urgent que chaque enfant puisse suivre au minimum deux heures de cours de philosophie et citoyenneté (CPC), que ce moment commun à tous les élèves leur permette d’aiguiser leur opinion, de construire une argumentation solide et de débusquer les fake news, les manipulations et autres abus. Ils sont la société de demain. Notre avenir est donc entre leurs mains. Donnons-leur toutes les chances afin que celui-ci soit basé sur la raison au travers d’une citoyenneté active et constructive.