Espace de libertés – Novembre 2016

Philo et citoyenneté: deux heures, c’est mieux!


Dossier
Présenté le 23 juin 2016 en conférence de presse par les représentants des pouvoirs organisateurs de l’enseignement officiel et par celui des écoles libres indépendantes, le programme (1) du nouveau cours de philosophie et de citoyenneté est né.

La FAPEO a donc lancé une campagne d’informations dédiée à ce nouveau cours (2) que, par ailleurs, elle réclamait depuis de nombreuses années. Les faits démontrent qu’il était bien nécessaire d’informer les parents. En effet, dès le 1er septembre 2016, beaucoup de parents ont reçu le formulaire de choix à compléter, parfois pour le lendemain. Il nous est très vite revenu que l’information aux parents a été à géométrie variable: un formulaire à rendre à l’école dès le lendemain (non-respect des 6 jours ouvrables légaux pour ce faire) et absence de séances d’information aux parents sur le contenu de ce nouveau cours. Mais, en l’absence de communication proactive de la part de certains pouvoirs organisateurs et de directions d’établissement, un certain nombre de parents ont opté pour la sécurité, même si l’idée d’un nouveau cours de philosophie et de citoyenneté concernant tous les élèves les séduisait.

Néanmoins, deux éléments sont encourageants pour l’avenir: d’une part, là où la communication aux parents a été faite correctement, comme à Uccle par exemple, la deuxième heure remporte un franc succès. D’autre part, le CECP (Conseil de l’enseignement des communes et des provinces) a décidé de concentrer sa communication en faveur du choix des deux heures sur la première année de primaire. Il s’agit d’un positionnement clair en faveur de ce projet novateur et qui prouve qu’un début de changement des mentalités s’est enclenché.

Vous avez dit « pression »?

La définition du mot « pression » est claire: selon le dictionnaire, c’est une « influence coercitive » et une « contrainte morale ». Dans une lettre adressée aux parents, et relayée par certains pouvoirs organisateurs communaux, la FAPEO, comme elle le fait depuis des années avec d’autres au sein du Centre d’étude et de défense de l’enseignement public (CEDEP), exprimait simplement un souhait, celui de voir les parents faire le choix de la dispense et, donc, d’opter résolument pour les deux heures. Il est évident que la FAPEO ne dispose d’aucun moyen de « contrainte »: nos outils sont ceux de l’éducation permanente qui nous ont été donnés par décret dans le cadre de nos missions de représentant des parents dans les structures de consultation du système éducatif. En outre, selon les termes mêmes du décret, la FAPEO a un devoir d’information envers les parents des enfants qui suivent l’enseignement officiel.

Le mercredi 7 septembre 2016 (3), des responsables religieux diffusaient cependant un communiqué commun dans lequel « ils [regrettaient] la “pression” exercée par [la FAPEO] sur les parents ».

Athées, agnostiques, pastafariens, bouddhistes… non, vous n’êtes pas tout seuls!

« Les valeurs de foi, de justice, de dialogue et de paix, que l’on retrouve dans toutes les convictions, permettent non seulement (aux enfants et aux jeunes) d’approfondir les racines de leur culture religieuse, mais sont aussi des leviers puissants pour construire le vivre ensemble », dit encore ce communiqué. Mais pour la FAPEO, les valeurs défendues dans le nouveau cours sont universelles et devraient d’ailleurs être portées par chacun, quelles que soient ses convictions personnelles. En vérité, le message des représentants des cultes exclut ceux qui ne se reconnaissent dans aucune confession religieuse.

Les valeurs défendues dans le nouveau cours sont universelles et devraient d’ailleurs être portées par chacun, quelles que soient ses convictions personnelles.

Ces mêmes représentants des cultes prétendent en outre partager l’inquiétude des parents « qui apprennent que, dans certaines écoles, le cours de religion n’est pas donné, ou que les professeurs de religion sont empêchés de rencontrer leurs élèves confinés dans des salles d’études ». La FAPEO, elle, s’adresse à tous les parents qu’ils soient catholiques, musulmans, ou de n’importe quelle autre confession, mais également les athées et les agnostiques, en les invitant à opter pour un projet qui rassemble plutôt que d’exacerber les particularismes.

Une atteinte à la liberté religieuse et à la liberté d’expression?

Les responsables des communautés religieuses insistent également pour que « le cours de religion soit effectivement maintenu à côté du cours d’éducation à la philosophie et à la citoyenneté. Dans notre société, la liberté religieuse et la liberté d’expression sont des libertés fondamentales ». Mais en quoi le nouveau cours de philosophie et de citoyenneté porterait-il atteinte à la liberté religieuse et à la liberté d’expression? Qui prétend que les enfants devront renoncer à leurs convictions personnelles? Quant à la liberté d’expression, elle est un des principaux piliers de ce cours qui a justement pour objectif, entre autres, d’aiguiser le sens critique des jeunes.

Les parents pas respectés?

Enfin, les responsables des cultes critiquent par ailleurs la distribution par la FAPEO de « tracts » invitant les parents à « demander la dispense des cours de religion et de morale, afin de suivre deux heures d’éducation à la philosophie et à la citoyenneté ». « Les parents catholiques, musulmans, juifs, orthodoxes, protestants, évangéliques […] n’ont pas été respectés et nous souhaitons le dénoncer », concluent-ils. Mais en quoi l’idée de se positionner en faveur d’un cours de philosophie et de citoyenneté respectueux des différences et des convictions de chacun serait-elle injurieuse?

Alors, en fin de compte, qui fait de la désinformation? Pour nous, c’est clair: poser la question, c’est y répondre.

 


(1) Cours de philosophie et de citoyenneté. Programme d’études. Cycles 2, 3 et 4, mis en ligne sur www.cecp.be.

(2) Le principal outil de la campagne « Ensemble c’est bien… Deux heures, c’est mieux! »: le site web d’informations www.deuxheurescestmieux.be.

(3) Belga, « Les responsables des cultes insistent pour que le cours de religion soit maintenu », mis en ligne le 7 septembre 2016, sur www.lalibre.be.