Le Centre d’Action Laïque a passé en revue les accords de gouvernement conclus hier pour la Région Wallonne et la Fédération Wallonie-Bruxelles à l’aune exclusive des revendications qu’il avait formulées dans ses mémorandums pré-électoraux1.
L’analyse qu’il en tire génère le sentiment d’une grande circonspection, si pas d’une réelle déception, particulièrement en ce qui concerne l’enseignement et la neutralité de la fonction publique.
En matière d’enseignement, loin de défendre un enseignement public, neutre, unique et gratuit, l’accord de gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles fait la part belle à l’enseignement libre confessionnel en parfaite adéquation avec les revendications historiques du Segec.
« Un enfant égale un enfant » ! Plus que du courage, c’est carrément du culot que d’entendre un des deux formateurs utiliser le slogan d’une pétition du Secrétariat général de l’enseignement catholique. Les étiquettes changent mais les engagements et fidélités demeurent.
En réalité, cette demande, sous couvert d’égalité, vise surtout à renforcer l’existence des écoles catholiques. Soit d’un système où la religion prend toujours part à l’éducation scolaire des générations futures, grâce aux deniers publics.
Mais c’est surtout nier une nouvelle fois les spécificités de l’enseignement public qui justifient des modalités de financement particulières ce qui est un comble de la part du futur gouvernement qui en est la tutelle.
Car une école confessionnelle, qu’elle soit catholique, protestante, israélite ou islamique, n’égale pas une école officielle. L’école publique bénéficie d’un financement renforcé pour des raisons objectives :
- Ses bâtiments appartiennent au public.
- Sa gestion est organisée par des organes publics.
- Elle répond au principe de neutralité.
- Elle doit organiser des cours de religion ou de morale non confessionnelle à qui le veut.
- Elle doit organiser des cours de philosophie et de citoyenneté.
Une école confessionnelle ne répond à aucun de ces critères et, donc, n’égale pas une école officielle.
Pour le Centre d’Action Laïque, les choses sont claires : si l’enseignement privé confessionnel veut bénéficier des mêmes financements que l’enseignement officiel, il est logique qu’il applique les mêmes règles, surtout quand celles-ci vont dans le sens de l’intérêt supérieur des élèves, car un élève égale un élève.
En un mot, open bar pour le Libre tandis que l’enseignement officiel va être bousculé par des réformes de structures, tant pour l’officiel organisé que pour l’officiel subventionné.
Le Centre d’Action Laïque déplore par ailleurs une sérieuse régression concernant le cours de philosophie et de citoyenneté. Alors qu’il revendiquait le passage à deux heures de ce cours, et que le Parlement de la Fédération avait voté des recommandations en ce sens, les formateurs du gouvernement font l’exact inverse en réintroduisant la religion dans la seule heure de cours obligatoire dans l’enseignement officiel ! En effet, l’accord prévoit d’y introduire du dialogue interconvictionnel qui s’apparente dans les faits à de l’échange d’expérience de foi. C’est donc la porte ouverte aux professeurs de religion dans le cours de philosophie et citoyenneté, cours général et donc neutre par définition.
Enfin, le Centre d’action Laïque regrette la faiblesse de l’engagement en ce qui concerne l’Education à la Vie Relationnelle, Affective et Sexuelle (EVRAS) où le gouvernement assurera simplement un suivi du déploiement de cette formation dans les écoles tout en ouvrant la porte à une révision du guide EVRAS par une équipe pluridisciplinaire.
En matière de fonction publique, si la volonté affichée d’avoir au niveau régional wallon et à la Fédération Wallonie-Bruxelles une fonction publique « neutre, inclusive et exemplaire » ne peut que séduire, il est regrettable de constater que tant la Déclaration de politique régionale que la Déclaration de politique communautaire n’explicitent en rien comment cette exigence de neutralité sera remplie.
En l’espèce, une interdiction claire du port des signes convictionnels pour tout agent de la fonction publique aurait été la bienvenue, ce n’est pas le cas.
Seule la DPC, dans son chapitre relatif au statut des enseignants, indique que « le gouvernement interdira par décret le port de signes convictionnels à tous les enseignants de l’enseignement obligatoire du réseau officiel, à l’exception des professeurs de religion ». Le rappel est certes salutaire mais, dans l’enseignement obligatoire, la question du port des signes convictionnels concerne d‘abord les élèves comme l’arrêt du 16 mai 2024 Mykyas et autres c/Belgique de la Cour européenne des droits de l’Homme relatif l’interdiction des signes convictionnels dans l’enseignement obligatoire officiel néerlandophone en témoigne. Une position forte en faveur de l’interdiction de tout port d’un signe convictionnel par les élèves dans l’enseignement officiel obligatoire permettra de les protéger contre toute forme de pression sociale et de prosélytisme.