La lutte contre la pandémie de COVID-19 rend nécessaire l’adoption de mesures exceptionnelles, qui par leur caractère même limitent l’exercice de certains droits et libertés fondamentales. Ces mesures doivent être fondées sur une base légale, être strictement nécessaires et proportionnées à la lutte contre la pandémie, respecter l’État de droit et la démocratie. Enfin, toutes les mesures exceptionnelles doivent être abrogées dès la fin de l’urgence.
Faisant fi de ces principes et de ses obligations internationales, la Hongrie a adopté le 31 mars une loi qui donne des pouvoirs exceptionnels au gouvernement et créé de nouvelles infractions. Dans les termes de spécialistes de l’État de droit, cette loi transforme la Hongrie en une « dictature ».
En effet, la loi donne au gouvernement le pouvoir de suspendre ou modifier les lois par décret et de prendre des mesures exceptionnelles, sans limitation de temps. La seule limite est la fin de l’urgence, mais c’est le Parlement à la botte de Viktor Orban qui en décide. Entretemps, aucune élection ou référendum ne peut avoir lieu.
La loi crée plusieurs délits, tous punis de lourdes peines de prison: l’ « obstruction » des mesures anti-épidémiques, le fait de prononcer ou diffuser des nouvelles fausses ou déformées en relation avec l’épidémie… Compte tenu du contrôle exercé sur les tribunaux par le gouvernement, cette nouvelle loi donne à Viktor Orban le moyen de faire taire toute opinion discordante sur sa manière de gérer la crise.
En Pologne, le gouvernement a décidé de maintenir l’élection présidentielle du 10 mai, malgré l’inégalité entre candidats causée par les mesures de confinement. En effet, seul l’actuel président, Andrzej Duda, qui se représente, peut voyager, les autres candidats étant confinés chez eux. Compte tenu de la démolition systématique de l’État de droit par les autorités polonaises, la lutte contre la pandémie de coronavirus peut mener à un renforcement du caractère autoritaire du régime.
La situation est extrêmement grave et nécessite une réponse urgente et adaptée de l’Union européenne. Le Traité sur l’Union européenne dispose que « l’Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’État de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme ». Démocratie et respect des droits fondamentaux sont des conditions pour y adhérer. Un manque de réaction décidée aux dérives autoritaires de certains États membres pose un grave danger à la construction européenne.