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IVG hors du Code pénal: qu’en pensent les expert.e.s?

IVG hors du Code pénal: qu’en pensent les expert.e.s?

Ces dernières semaines, pas moins de 20 expert.e.s ont été entendu.e.s en Commission Justice de la Chambre. Une belle majorité s’est prononcée en faveur de la sortie de l’IVG du Code pénal. Les débats ont surtout porté sur les conditions de l’éventuelle future loi.

Ce mercredi 13 juin s’est tenue la troisième et dernière séance d’auditions d’experts devant la Commission Justice du Parlement. Au total, ce ne sont pas moins de 20 expert.e.s (1) qui ont été entendu.e.s afin d’éclairer les parlementaires, à leur demande, sur les modalités de sortie de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) du Code pénal.

Pour rappel, sept textes de loi ont été déposés (Défi, PS, Ecolo/Groen, sp.a, PTB, Open-VLD avant l’entame des débats, et le CDH a déposé un texte le 29 mai). Leur point commun? Sortir les dispositions concernant l’IVG du Code pénal. Les sept textes diffèrent cependant quant aux améliorations à apporter à la loi et aux modalités légistiques pour ce faire.

 

Une belle majorité pour la sortie de l’IVG du Code pénal

Sur ces 20 expert.e.s, 16 s’expriment sans équivoque en faveur de la sortie de l’IVG du Code pénal, estimant qu’il s’agit non seulement d’une mesure à haute teneur symbolique, mais également d’un message fort aux femmes et aux praticiens de terrain. Certains soulignent également que cela participera à améliorer la sécurité juridique des femmes et des praticiens.  Deux expertes (Ariane Van den Berghe et Sylvie Tack) ne se sont pas exprimées sur la question. Enfin, deux experts (M. Hiele et W. Lemmens) se sont montrés opposés à une modification de la loi actuelle.

La sortie de l’IVG du Code pénal est une mesure à haute teneur symbolique, mais également un message fort aux femmes et aux praticiens de terrain.

Si la sortie de l’IVG du Code pénal est réclamée par la très grande majorité de ces expert.e.s, les conditions de fond de la loi ont fait l’objet de débats.

Les conditions en débat

La première concerne l’état de détresse de la femme. Un grand nombre d’expert.e.s a proposé de supprimer cette notion sans fondement juridique, paternaliste et culpabilisante et suggère de la remplacer par une confirmation écrite de la détermination de la femme le jour de l’intervention.

Plus de la moitié des experts s’est exprimé en faveur d’une réduction du délai de réflexion à 24 ou 48 heures, précisant que dans l’immense majorité des cas, la décision de la femme était prise dès qu’elle avait connaissance de sa grossesse et qu’il était donc très souvent vécu comme une violence par les femmes dont la décision était prise. Toutefois, ce délai pouvant s’avérer nécessaire dans certains cas, il doit pouvoir être proposé par les praticiens, sans limite maximale dans le temps.

Une des questions centrales des débats concerne la durée du délai de gestation maximal pour pratiquer une IVG. À cet égard, le modèle suédois a été à maintes reprises mentionné par les expert.e.s, proposant ainsi d’étendre le délai à 18 semaines de conception. La majorité des expert.e.s s’accordent à tout le moins pour étendre ce délai à 16 semaines et sur la nécessité de prévoir deux à trois centres spécialisés en Belgique pour les IVG dites « tardives » (au-delà de 12 semaines), tout en soulignant que ¾ des IVG sont actuellement réalisées avant la 7esemaine de grossesse.  Une augmentation du délai n’entrainerait donc pas pour ceux-ci un nombre d’IVG plus important réalisé au-delà de ce délai. Le cas hollandais a également été cité pour démentir ce mythe de « l’effet boule de neige ».

La moitié des experts propose d’élargir les conditions dans lesquelles les interruptions de grossesse pour raisons médicales (dites IMG) peuvent être réalisées, et de prévoir la possibilité de mettre fin à la grossesse en raison d’une situation psychosociale problématique de la femme qui constituerait un obstacle sérieux à la poursuite de la grossesse ou cas de problème de santé mentale.

Si le maintien de la clause de conscience individuelle est appelé des vœux de l’ensemble des expert.e.s, la majorité préconise une obligation légale de renvoi vers un praticien qui pratique des IVG, et ce dès le premier contact entre le médecin et sa patiente.  La clause de conscience institutionnelle doit, quant à elle, être interdite, selon un grand nombre d’expert.e.s.

La question des sanctions pénales a également été débattue. Peu d’expert.e.s estiment encore opportun de prévoir des sanctions pénales spécifiques à l’égard de la femme qui ne respecterait pas les conditions légales. Les avortements non consentis doivent bien entendu continuer à être sanctionnés pénalement, soit via des sanctions prévues dans une nouvelle loi particulière soit via une référence aux sanctions déjà prévues dans le Code pénal. Les sanctions à l’égard des praticiens pourraient également trouver leur place dans une loi particulière en cas de non respect des conditions légales.

La condition de la loi actuelle consistant à informer la femme des possibilités d’adoption de l’enfant à naître a été assez rapidement balayée par la plupart des expert.e.s, et plus particulièrement par la responsable des services de l’adoption en Flandre estimant cette condition tantôt paternaliste tantôt hors sujet, mais en tout cas obsolète.

La nécessité d’une meilleure information, via des canaux publics, neutres et objectifs, quant aux possibilités de mettre fin à une grossesse, à la contraception et à l’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle a été soulignée.

Les expert.e.s ont par ailleurs insisté pour que le nécessaire soit rapidement fait afin de remettre en selle la Commission nationale d’évaluation de l’IVG qui n’a plus publié de chiffres depuis 2011. D’autant que, d’après les chiffres récoltés par Luna (coupole des abortuscentra en Flandre) en 2017, les chiffres des IVG en Belgique sont stables. De quoi mettre un terme à la désinformation à cet égard.

Les débats au sein de la commission Justice reprendront le 4 juillet prochain. En espérant que la qualité et la richesse des contributions des expert.e.s permettront aux parlementaires de parvenir à un consensus, appelé – on le rappelle – par 75% des Belges.

 


(1Listes des experts entendus:

  • 23 mai 2018:
    • Pascal Borry, professeur (bioethics) à la KULeuven
    • Jean-Jacques Amy, professeur, représentant de la Fédération Laïque de Centres de Planning Familial
    • Katrien Vermeire, représentante du Vlaams Expertisecentrum voor Seksuele Gezondheid (Sensoa)
    • Cécile De Wandeler, représentante de Vie féminine
    • Silke Brants, représentante de l’asbl Fara
  • 6 juin 2018:
    • Ellen Roets, Chef de clinique adjoint diagnostic prénatal, UZ Gent
    • Anne Verougstraete, gynécologue à la VUB
    • Martin Hiele, président de la commission éthique, UZ Leuven
    • Carine Vrancken, coördinator van Luna vzw
    • Michel Dupuis, professeur à l’UCL
    • Yvon Englert, recteur de l’ULB, gynécologue
    • Herman Nys, professeur (Centre for Biomedical Ethics and Law) à la KULeuven
    • Sylvie Lausberg, présidente du Conseil des femmes francophones de Belgique
    • Guido Pennings, professeur (Bioethics Institute Ghent) à l’ UGent
    • Ariane Van den Berghe, Vlaams adoptieambtenaar
  • 13 juin 2018:
    • Pierre Bernard, professeur, chef de service, Cliniques universitaires Saint-Luc
    • Yannick Manigart, chef de clinique, CHU Saint-Pierre
    • Sylvie Tack, avocate
    • Dominique Roynet représentante du Groupe d’action des centres extrahospitaliers pratiquant l’avortement (Gacehpa)
    • Willem Lemmens, professeur de philosophie à l’UAntwerpen.
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