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Le Centre d’Action Laïque n’invitera pas ses militants à participer à la consultation populaire fédérale

Le Centre d’Action Laïque n’invitera pas ses militants à participer à la consultation populaire fédérale

Le 25 avril dernier, le gouvernement fédéral lançait sa grande consultation populaire Un pays pour demain dont l’objectif est d’interroger les Belges sur 6 thématiques liées à l’avenir institutionnel de notre pays.

Le Centre d’Action Laïque attendait le lancement de cette consultation avec impatience. Il se réjouissait de la volonté du gouvernement d’impliquer les citoyens et la société civile en général, dans un processus démocratique de réflexion sur l’avenir du pays.

Mais aujourd’hui, le Centre d’Action Laïque déchante:  cette consultation simplifie à l’extrême des thématiques parfois éthiques qui demandent nuance, réflexion, voire débat – pour les faire rentrer dans les cases d’un outil informatique à la simplicité trompeuse. Lequel outil contient un nombre de biais qui rendent sa légitimité démocratique contestable.

Le premier d’entre eux est le fait que la consultation se déroule exclusivement en ligne (1). En Belgique, la Fondation Roi Baudouin estime que 10% de la population n’a pas accès à internet faute de moyens (2). Sans compter que si les personnes qui y ont accès n’ont pas les compétences techniques nécessaires pour naviguer sur la plateforme, est exclue de fait une partie considérable de la population belge en raison de la forme choisie de la consultation. Et notamment les personnes plus âgées, peu familières de ce média.

Autre élément problématique: la durée de la consultation. Six semaines pour prendre connaissance des thématiques, s’informer sur les enjeux, comprendre le fonctionnement de la plateforme et susciter dans la société, les débats approfondis qui permettraient à chacun, mieux informé, de répondre aux questions les plus complexes. Ce n’est pas très court: c’est tout bonnement impossible. Et cela exclut les personnes qui ne disposent pas d’assez de temps libre à consacrer à cette consultation.

Enfin, la communication est totalement insuffisante. Une consultation démocratique à l’échelle du pays nécessite une très large publicité qui doit impérativement toucher chaque citoyenne et chaque citoyen personnellement. Un budget d’un million d’euros pour toucher presque dix millions de Belges majeurs (3) revient à dépenser 10 centimes par personne. Encore une fois, cette faible publicité est un facteur d’exclusion pour celles et ceux qui ne sont pas déjà informés au préalable.

Une consultation pour les « happy fews » disposant déjà de l’information nécessaire?  Le risque est que les populations les plus précaires ne soient, de facto, pas consultées. Or, le principe de laïcité oblige l’État à assurer l’égalité et le respect des droits de toutes et tous et donc à en assurer les conditions de l’exercice.

On peut donc s’attendre à ce que les résultats de cette consultation ne soient pas représentatifs des aspirations de la population belge dans son ensemble. Au mieux, ils seront le reflet de la volonté de ceux qui auront eu le temps et les moyens techniques de se mobiliser et d’y participer. Bref, même si cette consultation n’est qu’une étape d’un processus politique plus large, nous sommes loin de ce à quoi une participation citoyenne devrait ressembler dans une démocratie du XXIe siècle.

Il s’agit donc un rendez-vous manqué. C’est pourquoi le Centre d’Action Laïque ne participera pas à la consultation et n’invitera pas les militantes et militants de la Laïcité à y participer.

Mais il y aura d’autres rendez-vous à ne pas manquer à l’avenir et le Centre d’Action Laïque appelle d’ores et déjà à une révision constitutionnelle sur deux questions fondamentales:

  • L’inscription du terme « laïcité » et ses principes au sein de la Constitution belge. La laïcité (4) défend la libre expression de toutes les convictions dans l’espace public, à la seule condition du respect de la loi civile commune. Elle est donc la meilleure garantie de coexistence pacifique de tous les citoyens, au sein d’un Etat de droit. De fait, plus il y a de diversité, plus la laïcité est nécessaire.
  • L’urgence de réhabiliter le rôle et les missions du Parlement. Force est de constater que, récemment, la lutte contre le virus a entrainé une restriction inédite et massive de nos droits fondamentaux. Dans ce cadre, le respect du principe de séparation des pouvoirs et, singulièrement, le rôle de contrôle du Parlement sur l’action du Pouvoir exécutif sont plus que jamais essentiels. Tout comme le rôle du Parlement dans les dossiers éthiques.

Gageons que le gouvernement fédéral sera attentif à ces revendications au moment où, avec le Parlement, il arrêtera la liste des articles à réviser de notre Constitution. Gageons également qu’une prochaine expérience de démocratie participative évitera de tomber dans les mêmes pièges.

Véronique De Keyser
Présidente du Centre d’Action Laïque

Carte blanche publiée le 25.04.2022 sur lesoir.be


(1) Une version papier est disponible uniquement sur demande via un numéro de téléphone (disponible en ligne) et l’envoi du document est à charge du citoyen.

(2) « Un belge sur dix n’a pas à internet faute de moyens« , L’Echo, 29 avril 2022

(3) « Structure de la population« , Statbel, 16 juin 2021

(4) Le Centre d’Action Laïque définit la laïcité comme le principe humaniste qui fonde le régime des libertés et droits humains sur l’impartialité du pouvoir civil démocratique dégagé de toute ingérence religieuse. Il oblige l’Etat à assurer l’égalité, la solidarité et l’émancipation des citoyens par la diffusion des savoirs et l’exercice du libre-examen.

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