6h45, le réveil sonne; 7h30, je file au boulot; 8h15, la sonnette stridente annonce le début des cours et elle marquera ma journée de prof de 50 en 50 minutes. Ah, cette tyrannie des sonnettes qui ponctuent le temps et hachent les journées en menues tranches depuis la médiévale invention des cloches et des clochers! Pourtant j’en connais qui aiment ça, la régularité de l’horaire, la vie réglée comme un métronome: 17h, promenade du chien; 18h, apéro; 19h, repas; 19h30, les nouvelles, etc. Ça les rassure. Moi, ça m’angoisse. Ne pas savoir quelle heure il est me semble une condition sine qua non du bonheur en ce bas monde. Je n’ai jamais supporté les montres.
En fait, le problème c’est que le temps refuse de suspendre son vol, fût-ce un instant pour nous donner le temps d’avoir le temps. Non seulement il dirige nos vies depuis le lever jusqu’au coucher et nous nargue pendant nos insomnies, mais en outre l’histoire avec un grand «h» reste elle aussi prisonnière de la toute puissante chronologie. Malgré cela, on ne sait toujours pas ce que c’est exactement. Certains prétendent que c’est de l’argent. Plus respectueux, les Anciens en faisaient une divinité: Chronos, fort peu sympathique, il est vrai, puisqu’il dévorait ses enfants. Les Perses l’appelaient Zervan, le Temps infini, dieu suprême d’une religion tombée dans les oubliettes de l’histoire. Pour les Occidentaux, il est linéaire, s’étalant tout droit sur la route rectiligne qui mène d’hier à demain. Pour les Orientaux, il est cyclique, tel le serpent se mordant la queue, il revient sans cesse au commencement des choses.
Il est parfois salutaire de voir les choses depuis Sirius. Cela aide à relativiser. Car, qu’est-ce qu’une année, sinon le temps nécessaire à notre bonne vieille planète pour réaliser une rotation autour du soleil? Soit 364 jours et 6 heures. Imaginons ce qu’est un an pour un Neptunien: presque 164 de nos années! Pour un Vénusien? Seulement 225 de nos jours!
Et qu’est-ce qu’une journée (23 heures, 56 minutes et 4 secondes), sinon le temps d’une révolution de la terre qui tourne sur elle-même? Retournons voir sur Neptune: une journée s’y écoule en 15 heures et 48 minutes; sur Vénus en 243 jours. Si je calcule bien: pour un Vénusien, une journée dure plus longtemps qu’une année… Que dire de ses nuits?
Einstein nous avait avertis: le temps s’écoule moins vite pour celui qui est en mouvement. Plus on se rapproche de la vitesse de la lumière, plus le temps ralentit. On connaît l’histoire des deux jumeaux dont l’un part en fusée à une vitesse proche de celle de la lumière et voyage pendant 2 ans: lorsqu’il revient sur terre, il retrouve son jumeau vieilli d’un siècle! Mieux: une personne soumise à moins de gravité vieillit moins vite. Installons-nous en un lieu élevé: étant plus éloignés du centre de la terre nous serons soumis à une gravité moindre et nous vieillirons moins vite qu’une personne restée au sol. Plus concrètement: le locataire logé au dixième étage gagne pendant toute sa vie une microseconde sur la concierge qui habite au rez-de-chaussée. Mieux encore: le temps s’écoule plus rapidement pour les habitants de l’équateur que pour les Inuits. Pourquoi? Parce que la force centrifuge a légèrement déformé la planète dont le diamètre équatorial est supérieur de 0,3% au diamètre polaire. Conséquence: les habitants de l’équateur sont plus éloignés du centre du globe et moins soumis à la gravité que les Inuits!
Bon, c’est pas tout ça, le temps passe, faut y aller!