Les prochaines élections se profilent doucement. La question migratoire constituera bien entendu l’un des enjeux cruciaux des débats qui s’annoncent épineux. Quelle sera la position des différents partis francophones sur ce dossier? Tour d’horizon.
On dit le MR divisé. Davantage à cause des sorties polémiques de Théo Francken (N-VA), le secrétaire d’État à l’asile et à la migration, que sur sa politique. Les décisions portées par ce dernier sont votées par le parti, à l’instar de la réforme du droit d’asile qui, outre l’harmonisation au niveau européen, permet de vérifier le récit du candidat par la consultation de son profil sur les réseaux sociaux et sur son téléphone. « Il faut une politique claire et efficace basée sur un équilibre entre humanisme et fermeté où les abus ne sont pas tolérés », explique le député fédéral Jean-Jacques Flahaux (MR). « Depuis des années, les divers gouvernements, de quelque couleur politique que ce soit, ont limité au maximum l’immigration extra-européenne. Celle-ci reste d’ailleurs au point mort hormis pour des professions ciblées. C’est la raison pour laquelle beaucoup de personnes se présentant comme réfugiés, singulièrement d’Afrique, viennent en réalité pour des raisons économiques. Pas selon les normes de la convention de Genève. » Pour le député MR, un élément-clé de la régulation des flux migratoires passe par une meilleure organisation de l’immigration économique, en partenariat avec les pays de forte immigration. En ce qui concerne la gestion de la crise des réfugiés, le député défend le bilan du gouvernement avec l’accueil de 45. 000 personnes sur le territoire. « On devait les accueillir, et ce, malgré les critiques d’une partie de la population », reconnaît-il. Jean-Jacques Flahaux est aussi convaincu que l’amélioration de la situation économique facilitera les positions d’ouverture de la population face à l’immigration et aux réfugiés.
Deux réfugiés pour 1000 citoyens
De leur côté, les socialistes réclament une véritable politique d’immigration au niveau européen. « La gestion de la crise migratoire par l’Union européenne a été catastrophique. En résumé, la région la plus riche du monde n’a pas été capable d’accueillir humainement un flux de réfugiés qui représentait un peu plus de deux réfugiés pour mille citoyens européens ! », dénonce le député européen Hugues Bayet (PS).
Selon le parti socialiste, la migration est un élément structurel de nos sociétés. « Cela demande de s’écarter de la surenchère sécuritaire, avec une refonte complète de la politique migratoire européenne qui doit être basée sur une solidarité entre les États membres et le respect des droits fondamentaux des migrants. » Pour le PS, des canaux légaux de migration devraient aussi être mis en place au travers de l’octroi de visas humanitaires et de programmes de réinstallation de réfugiés, en collaboration avec le HCR, l’agence des Nations unies pour les réfugiés. « Seule cette réponse commune, où tout le poids ne repose pas sur les pays de première entrée, sera de nature à éviter la réapparition des contrôles aux frontières dans l’espace Schengen et les images inhumaines de migrants agglutinés dans des camps, stoppés par des barbelés, emprisonnés ou chassés par les gardes-frontières », poursuit Hugues Bayet. Quant à la politique fédérale en matière de migration, le jugement est sévère : « Elle est tout simplement inhumaine », précise la députée fédérale Nawal Ben Hamou (PS). « Le gouvernement semble oublier que les personnes qui viennent dans nos pays le font avant tout pour fuir la guerre. Ils ont besoin de se retrouver dans un environnement sécurisant. Pourtant, ils sont bien souvent traités comme des criminels, voire emmenés dans des centres fermés. Cela ne se justifie absolument pas, il faudrait au contraire intégrer ces personnes, leur permettre de vivre une vie décente, leur offrir des choix et des opportunités pour toute la durée de leur “séjour” chez nous car la plupart du temps, ces personnes veulent rentrer chez elles une fois la paix revenue… »
La peur et ses boucs émissaires
Écolo souhaite quant à lui améliorer la qualité de la procédure d’asile, renforcer le statut du demandeur d’asile, pour sortir de la seule politique du chiffre. « Le gouvernement fédéral mène une politique de stigmatisation vis-à-vis des réfugiés, se satisfaisant que de nombreuses personnes ne demandent plus l’asile en Belgique. Avec Theo Francken et Jan Jambon, l’extrême droite est au pouvoir chez nous », dénonce le député européen, Philippe Lamberts (Écolo). L’homme déplore aussi le climat actuel : « Pour un politique, surfer sur la peur porte électoralement. La peur a besoin d’un bouc émissaire, et c’est celui qui n’est pas comme vous. C’est le plombier polonais qui vient me piquer mon job, c’est le réfugié syrien qui vient foutre des bombes chez moi. Dans ce climat, il est facile pour des politiques d’ériger des barrières ou de désigner des personnes comme responsables de la situation. Or, tous les murs qui se dressent en Europe favorisent uniquement les réseaux clandestins. » Pour le député européen, la responsabilité des partis est grande, y compris à gauche, dans les réponses apportées à la crise migratoire. « Finalement, une partie de la gauche, voyant la société se tourner vers des solutions plus droitières, prend des décisions plus sécuritaires et met à mal les libertés fondamentales. »
Statut de réfugiés à sanctuariser
« En dépit d’une indispensable politique d’asile commune, l’Union européenne semble se recroqueviller en urgence, alors qu’elle sera confrontée dès demain à de nouvelles crises migratoires », prévient Claude Rolin (cdH), député européen. Par ailleurs, il n’est pas question de transiger sur le statut de réfugié, qui doit être sanctuarisé. « Le droit est là et il n’y a donc pas de question à se poser quand quelqu’un est menacé sur sa liberté, sa vie, sa santé pour des raisons religieuses ou politiques », poursuit le député.
Pour le cdH, il est indispensable que l’Union européenne vienne en aide de façon substantielle aux États bordant la zone Schengen, qui accueillent les migrants en premier lieu et réorganisent les admissions de réfugiés sur l’ensemble du territoire européen. En outre, il est inacceptable que des États membres bénéficient des avantages de l’espace européen et remettent en cause les accords, tournant le dos à la solidarité en matière d’asile et de migration. Le cdH demande par ailleurs que la Belgique contribue pleinement à la construction de cette politique européenne. « Au-delà du défi humanitaire, l’immigration est une réalité à prendre en compte pour assurer le bon fonctionnement de nos sociétés et assumer le financement de nos systèmes de sécurité sociale », ajoute Claude Rolin.
Des critères précis pour nos politiques migratoires
Également interviewé à ce sujet, Olivier Maingain (Défi) s’inquiète des conditions d’accueil des demandeurs d’asile en Belgique, notamment du respect du statut de réfugié, garanti par le droit européen et international. « Notre pays doit s’y conformer intégralement, sans que monsieur Francken invente de nouveaux statuts », rappelle le président de Défi. Tout l’enjeu, à ses yeux, est de lutter contre les réseaux de traite des êtres humains. « Il faut s’en donner les moyens. Il faut surtout se coordonner au niveau européen pour mieux mener nos politiques migratoires sur base de critères précis, mieux identifiés, plutôt que de laisser arriver sur les côtes méditerranéennes des populations livrées à elles-mêmes. » Olivier Maingain souhaite aussi un vrai débat de société sur la question : « On n’ose pas dire aux populations qu’il y aura toujours des phénomènes migratoires et qu’il vaut mieux les accompagner, les encadrer, sur base de critères clairs et transparents de sélection des candidats à la migration. »
Agir sur les causes
Pour le PTB enfin, les politiques actuelles contribuent à faire des demandeurs d’asile et des migrants en général, des citoyens sans droit. « Ce sont des personnes maintenues dans une situation de grande insécurité et de pauvreté », dénonce David Pestieau (PTB), vice-président du parti marxiste. « La régularisation des sans-papiers ne peut plus dépendre de l’arbitraire du seul Office des étrangers. Elle ne peut pas se faire au cas par cas, sans règles claires, mais au gré de tel ou tel ministre », poursuit-il. Face à la crise migratoire, David Pestieau rappelle aussi qu’une telle situation relève d’abord de la responsabilité des pays occidentaux, « en déstabilisant par des guerres le Moyen-Orient ». Pour le PTB, il faut agir sur les causes, en refusant de participer à des interventions militaires hors du cadre de l’ONU ou en améliorant les rapports Nord-Sud. « Aujourd’hui, le gouvernement préfère signer des accords d’aide au développement liés à des politiques de blocage de migration. En un mot, on donne de l’argent pour construire des murs et empêcher les gens de se déplacer sans résoudre les problèmes structurels. »