Espace de libertés – Octobre 2015

L’acteur: un rôle en dehors des planches!


Arts

Un entretien avec Robin Renucci

Il se définit comme enfant de l’éducation populaire, de l’idéal du Conseil national de la résistance, et de la philosophie des Lumières. Mais, surtout, Robin Renucci dit de lui qu’il est un « acteur responsable ». Une sorte de Robin des bois qui prend aux poètes pour donner, aux exclus, des mots qui rendent libres et pas consommateurs. Rencontre avec un artiste combinant le Verbe sur les planches et la verve quand il s’agit de faire passer des messages forts via son métier de saltimbanque…

Espace de Libertés: Si le terme n’était pas aussi galvaudé, pourriez-vous vous définir comme un acteur « à message »?

Robin Renucci: Si, comme vous le dites, ce terme de « message » n’était pas utilisé à tort et à travers, au point d’avoir perdu de sa substance, alors oui! En fait, je me définirais aussi, plus simplement, comme un passeur. Je veux croire que mes rôles peuvent contribuer, ne fût-ce que très modestement, à rendre le monde meilleur. Pour cela, je ne choisis jamais une pièce ou un film qui ne serait que «simple» divertissement. Il faut que les gens se soient amusés, mais aient aussi appris des choses à mon contact. Si ces deux dimensions ne sont pas remplies, j’estime avoir raté ma cible. Car je crois que l’acteur tient aussi une mission en dehors des planches.

Utopiste exigeant, acteur, pédagogue et Corse: ça fait beaucoup pour un seul homme, non?

[rires] C’est en tout cas un beau résumé de ce que je suis! Et ces quatre dimensions se retrouvent au sein de l’ARIA (1), une association que j’ai créée en Corse, où des amateurs viennent en stage se former aux pratiques théâtrales. Ils se retrouvent à construire du théâtre et apprennent à raconter des histoires. Le but est de créer une chaîne solidaire autre que chez les professionnels du spectacle vivant. C’est un moment d’échanges, de débats, de partage, pour une création non marchande.

Le théâtre a-t-il toujours sa raison d’être aujourd’hui?

Plus que jamais! L’homme doit tendre vers un être symbolisant. Et s’il est capable de symboliser, alors il s’élève en tant qu’être humain. Le théâtre est l’outil le plus simple et le moins coûteux de la symbolicité. Il s’adresse à l’autre. Il partage quelque chose avec l’autre… Le théâtre, c’est le lieu d’absence de l’écran. L’homme parle à l’homme directement.

À un homme ou à plusieurs?

À un maximum, évidemment! Mes rôles n’ont pour moi de sens que s’ils s’adressent véritablement au public. Et là, en contradiction avec ce que je vous disais avant concernant les écrans, la télévision demeure en fait le meilleur canal pour sensibiliser un maximum de personnes en un minimum de temps. Par exemple, les gens me remercient souvent d’avoir joué un prêtre pédophile dans Le Silence des Églises, d’Edwin Baily. J’avais d’ailleurs aussi tenu à participer au débat que France 2 avait organisé après la diffusion du film, pour tendre la main aux victimes d’abus sexuels qui se sentaient coupables. Quand vous redonnez vraiment la parole aux gens, ils la prennent! C’est une belle tâche de créer du lien.

Je n’aime pas la dimension providentielle, presque sacralisée, que l’on prête souvent aux artistes: ils ne sont pas les seuls détenteurs de l’imaginaire! Les artistes sont avant tout d’anciens amateurs qui ont osé affirmer leur singularité, après avoir rencontré des individus qui ont su leur donner confiance. J’essaye le plus souvent possible de m’investir dans des projets qui génèrent un écho au niveau collectif, parce que je trouve que nous vivons dans des sociétés où l’esprit critique doit être réactivé et sollicité. Et où il est indispensable de créer du discernement. Pour moi, la crise dont tout le monde parle est surtout une crise de perte des valeurs. De toute éternité, l’Église a d’ailleurs mis un cache sur les pulsions humaines.

Au point de devenir la toute grande muette dans les cas de pédophilie, ce dont parle justement Le Silence des Églises

Le droit canonique admet, et impose même, le « secret professionnel » aux prêtres. La « brebis égarée » doit trouver en elle les ressources pour se dénoncer. En revanche, le droit français stipule que les prêtres ayant eu connaissance d’agissements délictueux sur mineur de moins de 15 ans doivent en signaler le ou les auteur(s) à la justice. Force est de reconnaître que ce ne fut pas toujours le cas… Mais les choses changent, heureusement…

 


(1) Association des rencontres internationales artistiques, cf. www.ariacorse.net.