On ne présente plus Hervé Hasquin, sans nul doute l’une des figures les plus marquantes du monde intellectuel et politique belge actuel. Indécrottable historien avant tout, le secrétaire perpétuel de l’Académie royale de Belgique jette toujours sur les sujets qui le (nous) préoccupe(nt) un regard diachronique pointu. C’est donc après un long détour historique qu’on lui pardonne d’autant plus qu’il n’est pas sans mérites – même s’il enfonce certaines portes ouvertes – qu’Hervé Hasquin arrive au cœur de son sujet: dénoncer les velléités qu’ont certains milieux laïques radicaux, voire athées militants (horresco referens!), de vouloir inscrire le principe de la laïcité dans les textes fondamentaux de notre pays.
C’est que le mot « laïcité » est particulièrement ambigu et recouvre des réalités contradictoires, assène l’ancien ministre-président de la Communauté française. Dès lors, vouloir en faire à toute force l’étendard de l’État ne provoquerait que crispations et grincements de dents à tous les étages et ne réglerait rien du tout sur le fond comme le démontre à profusion l’exemple français. La polysémie du mot, l’ambiguïté des concepts qu’il recouvre et la charge péjorative dont il est plombé aux yeux de certains de nos concitoyens en feraient le ferment d’une dispute de plus dont on se passerait bien à l’heure qu’il est. Tel est en résumé le propos de l’ancien recteur de l’ULB.
Certes, on ne lui donnera pas tort sur certains points mais on pourra peut-être lui adresser un reproche: celui de passer sous silence le fait que le Centre d’Action Laïque (repaire des « têtes mitrées de la laïcité » que dénonce sa plume parfois très acide?) a fait justement son aggiornamento à ce sujet. En effet, pour le CAL, les choses sont claires: « La laïcité est le principe humaniste qui fonde le régime des libertés et des droits humains sur l’impartialité du pouvoir civil démocratique dégagé de toute ingérence religieuse. Il oblige l’État de droit à assurer l’égalité, la solidarité et l’émancipation des citoyens par la diffusion des savoirs et l’exercice du libre examen » (article 4 des statuts). Dommage que le petit livre jaune du professeur Hasquin ne le mentionne même pas, il aurait été un petit peu plus complet et un petit peu moins (inutilement) crispant. (jph)