Espace de libertés – Avril 2016

LGBT: un dialogue à fleur de peau


Dossier
Une des missions du service Maison Arc-en-Ciel de la province de Luxembourg consiste à fournir un soutien moral aux lesbiennes, gays, bisexuel-le-s et transgenres (LGBT) qui le souhaitent. Une mission importante pour un service aux avant-postes de la lutte pour le bien-être des LGBT et le respect de la diversité des orientations sexuelles et identités de genre.

Malgré les avancées législatives, les phénomènes de discrimination et de stigmatisation envers les LGBT sont encore bien présents aujourd’hui. Une campagne gay-friendly lancée il y a peu en province de Luxembourg a amené au grand jour des propos homophobes ou, plus sobrement, une volonté délibérée de ne pas prendre en considération ce public car «chez nous, on ne fait pas de différences». Et c’est bien là le problème: ne pas faire de différences, notamment de la part de pouvoirs publics, c’est ignorer superbement l’homophobie de policiers, le harcèlement d’élèves gays par d’autres élèves, la discrimination de transidentitaires de manière criante dans les écoles et les services de santé, les moqueries en maison de repos… Ces phénomènes qui peuvent paraître isolés freinent les LGBT dans leur coming-out et les empêchent de vivre ouvertement leur homosexualité ou leur identité de genre. Conséquence directe: la solitude au moment de la prise de conscience de leur différence et des premiers pas vers l’acceptation de soi et la cohorte de répercussions sur l’image de soi: tentatives de suicide, repli sur soi, épuisement dans les procédures administratives pour des parents face à des directions d’école fermées sur la question, perte de relations familiales ou amicales.

L’une des missions de la Maison Arc-en-Ciel est d’ouvrir des lieux d’écoute et d’accompagnement en face à face. Même si l’émergence d’Internet a été d’un grand secours pour les LGBT qui ont pu trouver sur nombre de sites des informations objectives, des possibilités d’identification, voire un dialogue via Facebook et des forums, ces contacts ne peuvent remplacer un vis-à-vis qui, d’expérience, permet une acceptation rapide et positive de ce que l’on est.

Une écoute sur mesure

Basés sur l’anonymat, orientés vers l’écoute, le conseil et la réorientation, si nécessaire, vers des personnes ou des groupes relais, ces entretiens individuels réalisés par des employé-es ou des bénévoles LGBT allient professionnalisme et travail de pair à pair. Les demandeurs sont soit des personnes qui se cachent à leurs proches, soit des personnes en butte à des difficultés liées à l’hostilité de leur environnement. Ce peut être des élèves –particulièrement transidentitaires–, des jeunes en recherche, des réfugiés, des personnes à la prise de conscience tardive, mariées ou récemment veuves ou divorcées. Le premier entretien est primordial car il s’agit souvent de la première rencontre institutionnalisée avec un-e autre LGBT. C’est le moment où l’on dépose des valises devenues trop lourdes à porter, où la plainte de ne pouvoir être soi-même en raison de l’hostilité avérée de l’entourage social peut s’exprimer et où des pistes de solution commencent à émerger. Phénomène courant, il faut passer du mode «dénigrement des homosexuel-les pour ne pas se faire repérer» à l’acceptation de faire partie des LGBT. À noter que ce pas est d’autant plus difficile à franchir en environnement très hostile. C’est le cas pour les candidats réfugiés. Or, il va être primordial pour eux de s’affirmer s’ils veulent obtenir la protection de la Belgique.

Phénomène courant, il faut passer du mode «dénigrement des homosexuel-les pour ne pas se faire repérer» à l’acceptation de faire partie des LGBT.

Que ce soit dans l’accueil individuel dans nos locaux ou à domicile ou par les groupes de la Maison Arc-en-Ciel (groupes transidentitaire, groupe de réfugiés, Rain’Gaum ouverte à tous les LGBT, groupe de jeunes), le mot d’ordre est le non-jugement et la non-directivité. Il n’y a pas de coming out idéal comme il n’y a pas de situation familiale idéale. Toutes et tous sont bienvenu-es, lesbiennes, gays, bisexuel-le-s, transidentitaires, personnes en recherche, proches parents, enfants, frères, sœurs… Toutes et tous auront l’occasion de s’appuyer sur le sentiment communautaire nécessaire dans le démarrage de son acceptation, utile tout au long de sa vie en continu ou par intermittence.

L’aide, si besoin, est accompagnante: un large réseau existe en Wallonie et à Bruxelles. La Maison Arc-en-Ciel a pris le parti de s’appuyer sur les expertises de partenaires plutôt que de multiplier les champs de travail. Sont donc privilégiés en province de Luxembourg l’écoute active, l’accompagnement des transgenres vers les services psychiatriques –encore malheureusement obligatoires en Belgique, l’État considérant toujours l’état de fait qu’est la transidentité comme une maladie mentale–, l’accompagnement des réfugiés politiques, la création de groupes de convivialité locaux, y compris pour les jeunes, pour des questions évidentes de mobilité. La réorientation vers des services partenaires de la province concerne les suivis psychologiques et sociaux. Les questions plus précises liées au droit familial et les plaintes contre l’homophobie et la transphobie sont orientées vers des services extérieurs à la province, avec notre accompagnement.

Une nécessaire sensibilisation

Tant qu’il y aura discriminations et insultes, y compris dans les cours de récréation de l’école primaire, il y aura obligation dans notre chef de surmédiatisation des questions LGBT et impératif de sensibilisation. Ce corollaire de l’aide individuelle, la Maison Arc-en-Ciel du Luxembourg l’a investi avec force dans des animations scolaires assurées par des bénévoles formés, des animations en centre d’accueil, en lien avec le soutien aux candidats réfugiés LGBT, et des actions grand public (stands, visibilisation, présence sur les marchés…). La dernière campagne, soutenue par la Région wallonne –qui a récemment agréé la Maison Arc-en-Ciel, service du CAL/Luxembourg– et par la Province de Luxembourg, s’intitule «Ma commune, une commune ouverte à tous, une commune gay-friendly». Un autocollant symbolise l’accueil chaleureux que des commerces ou services veulent signifier au public LGBT. Il ne s’agit pas d’un label, mais le signe d’un acte de solidarité citoyenne. Et c’est là toute la beauté du geste, dire «vous êtes les bienvenus» sans contractualisation, juste par engagement personnel.