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Pologne : en dépit des apparences, la sécularisation progresse

Pologne : en dépit des apparences, la sécularisation progresse

La question des droits des personnes LGBT+ est, au cours de la dernière décennie, passée au centre de la « guerre culturelle » menée par des forces conservatrices religieuses dans le monde. Elle est particulièrement virulente en Pologne, pays traditionnellement catholique mais qui connaît de profondes évolutions politiques et sociales.

Dans ce pays, l’Eglise catholique et les forces politiques les plus conservatrices ont mené une véritable offensive sur deux thèmes sociétaux majeurs : les droits sexuels et reproductifs des femmes et les droits des personnes LGBT+.

Ces dernières années, l’Eglise catholique, des organisations conservatrices et des politiciens du parti au pouvoir multiplient les déclarations homophobes.

Cet état de fait ne doit pas faire oublier des éléments positifs qui ont eu lieu dans le même temps. La société polonaise devient plus ouverte et tolérante, et se laïcise. Le taux de pratique religieuse est en forte baisse. La société polonaise est celle qui se laïcise le plus, après l’Irlande. L’Eglise catholique est de plus en plus critiquée, d’une manière qui aurait été impensable du vivant de Jean-Paul II. En outre, lors des élections de 2011, les premiers députés ouvertement gay et transgenre ont fait leur entrée au Parlement.

La multiplication des révélations d’actes pédophiles commis par des prêtres a accéléré le mouvement, ainsi que la réaction de l’Eglise, s’emmurant dans une réaction de « forteresse assiégée ».

La propagande homophobe de larges segments de l’Eglise est une réaction de peur et d’incompréhension face à l’évolution de la société et le sentiment des clercs de perdre le contrôle sur la société. En effet, depuis la chute du communisme, l’Eglise a bénéficié d’une position très privilégiée : liée à l’Etat par un concordat, reconnue pour son rôle dans l’opposition au régime communiste, elle a longtemps exercé une influence considérable sur la société. Cette position dominante s’effrite petit à petit, et, face à une société se sécularisant rapidement, la majorité de l’Eglise et ses alliés réagissent par un surcroît d’agressivité. Le résultat est une polarisation accrue de la société, entre une frange la plus conservatrice des pratiquants qui suit la radicalisation de l’Eglise, et d’autre part une accélération de la sécularisation.

En effet, les excès homophobes du clergé et du camp national-conservateur ont poussé des personnes auparavant indifférentes, parfois pratiquantes, à défendre les droits des personnes LGBT+. Les droits des personnes LGBT sont également défendus en politique. Rafal Trzaskowski, candidat de la Plate-forme civique (libéral, opposition) à l’élection présidentielle, est connu pour sa sympathie envers cette cause. En tant que maire de Varsovie, il a signé la « Charte LGBT+ », qui expose un certain nombre de mesures contre les discriminations. Son exemple a été suivi par les maires d’autres villes. Il a obtenu plus de 48% des suffrages. Les 51% pour son adversaire conservateur Andrzej Duda montrent qu’un discours ouvertement homophobe n’empêche pas de gagner l’élection présidentielle, mais le score élevé de Trzaskowski, unique pour un candidat aux opinions progressistes, est un signal encourageant.

L’évolution rapide la société et des mœurs se traduit par une crispation identitaire d’une majorité des clercs et d’une partie des catholiques, qui tend à cacher un mouvement de fond de sécularisation, de pensée critique envers la religion et de tolérance.

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