Communiqués de presse

Prisons · Il est temps de faire la lumière sur le coût réel des Partenariats Publics-Privés

Prisons · Il est temps de faire la lumière sur le coût réel des Partenariats Publics-Privés

Alors que la construction de la mégaprison de Bruxelles-Haren s’achève avec plus de 6 années de retard sur l’objectif initial, le prix de cette infrastructure payée avec l’argent public reste inconnu des citoyens et des députés. Cette opacité n’est pas plus acceptable aujourd’hui qu’elle ne l’était il y a six ans, lorsque le gouvernement Michel a refusé de prendre en considération une proposition de résolution demandant à la Cour des comptes de réaliser un audit sur les prisons réalisées via un contrat de Partenariat Public-Privé (PPP).

Le temps est venu de faire toute la lumière sur le prix réel de ces prisons dites « modernes ».  À partir de 2005, l’État a en effet décidé d’augmenter fortement la taille du parc carcéral, et de confier la plus grande part de cette réalisation au secteur privé.

Depuis la construction de la prison de Hasselt en 2005, les prisons sont toutes exploitées selon diverses formules de PPP. La plus connue est la formule Design, Build, Finance and Maintain (DBFM) qui concerne les prisons de Marche-en-Famenne, Beveren et Leuze-en-Hainaut (déjà construites), Termonde, Anvers et Haren (en cours de construction), Bourg-Léopold, Lantin, Verviers et Vresse-sur-Semois (en projet). Dix prisons sont ou seront construites avec la formule DBFM (1). À quel prix?

Les contrats DBFM sont supposés transférer le risque sur la partie privée, contre une redevance annuelle que l’État paye à ce partenaire en échange de la réalisation des missions prévues au contrat au terme duquel la prison revient à l’État. Ces contrats sont supposés fournir des résultats de meilleure qualité que ce que l’État est en mesure de réaliser, à un coût moindre, et de permettre de respecter les règles budgétaires européennes.

Mais ces suppositions s’avèrent très fragiles. La Cour des comptes a publié en 2018 un rapport relatif à la maintenance dans les prisons « modernes » exploitées selon la formule DBFM (2).

La Cour a établi de nombreuses observations interpellantes (3):

  • Elle ne dispose actuellement pas d’instruments fiables permettant de comparer les projets classiques et DBFM, alors qu’aucune évaluation préalable n’a été réalisée sur l’opportunité de ce choix de financement.
  • Le coût total par mètre carré de la prison de Beveren (gestion DBFM) est de 40 % supérieur à celui de la prison de Hasselt (gestion propre).
  • Le coût de construction par détenu de Beveren est largement supérieur à celui de Hasselt.
  • La durée des travaux a été de 23 mois à Marche, de 22 mois à Beveren, de 21 mois à Leuze et de 31 mois à Hasselt.
  • Le taux d’intérêt moyen pour le financement du projet de Beveren est de 7,9 %. Pour Hasselt, l’État s’était directement financé par prêt bancaire au taux de 2,7 % lors de la première période de cinq ans et au taux de 1,85 % lors de la deuxième période.
  • S’agissant du coût de la Maintenance, la formule DBFM est économiquement plus avantageuse pour certains postes, moins avantageuse pour d’autres.

La Cour des comptes insistait également pour que les parlements concernés disposent de l’ensemble des informations nécessaires à l’appréciation de ce type de contrat.

Le 15 mars 2022, Défi a déposé une résolution demandant un audit sur les PPP carcéraux (4).  Cette proposition de résolution est une mise à jour d’une version déposée le 16 janvier 2016 par 5 partis de l’opposition d’alors (5). Il existe en outre une autre résolution, toujours pendante, déposée par Ecolo et Groen en 2019 qui demandait un audit sur le choix du PPP pour Haren.

Au regard des différents partis engagés par ces différents textes en faveur de la transparence, toutes les conditions sont désormais réunies pour que la Cour des comptes, qui en a elle-même fait la demande, puisse réaliser sa mission de vérification de bonne allocation des moyens publics, de sorte que le Parlement dispose à son tour de l’information sans laquelle il ne peut réaliser sa mission constitutionnelle de contrôle de l’exécutif.

La privation de liberté réalisée dans les prisons touche au cœur même de nos démocraties et de l’exercice de la justice par l’État. Confier cette mission, en tout ou partie, à des entreprises privées soulève de manière plus ardente encore des questions essentielles. De ce point de vue, il n’est pas audible qu’un contrôle démocratique complet et continu de ces lieux de privation de liberté ne soit pas effectué.

Commencer par un audit exhaustif des contrats de PPP carcéraux est une première étape, urgente.

Communiqué de presse publié le 4/05/2022
Signataires: Bruxelles Laïque / Centre d’Action Laïque / Le Début des Haricots / FIAN Belgium / Haren observatory / Inter-Environnement Bruxelles / La Ligue des Droits Humains / MOC-Bruxelles / Observatoire International des Prisons – section belge / Transparencia Belgium


(1) D’autres formules sont également utilisées pour les Centres Psycho-légaux d’Anvers et de Gand, dont seule l’exploitation a été confiée à des entreprises privées. Les futurs Centre Psycho-Légaux de Wavre, Paifve et Alost devraient faire l’objet de contrats Design, Build, Finance, Maintain & Operate (DBFMO).

(2) https://www.ccrek.be/Docs/2018_40_MaintenanceEtablissementsPenitentiaires.pdf

(3) Nous nous référons à Christine Guillain, Damien Scalia, Les coûts du système pénal, Bruxelles, La Charte, 2020. https://www.jurisquare.be/nl/book/9782874035814/index.html

(4) https://www.lachambre.be/kvvcr/showpage.cfm?section=flwb&language=fr&cfm=/site/wwwcfm/flwb/flwbn.cfm?dossierID=2575&legislat=55&inst=K

(5) https://www.dekamer.be/FLWB/PDF/54/1568/54K1568001.pdf

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