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Pologne: une campagne présidentielle aux relents homophobes et antisémites

Pologne: une campagne présidentielle aux relents homophobes et antisémites

Le Centre d’Action Laïque est alarmé par la rhétorique homophobe et antisémite utilisée par la campagne du président de la République polonaise, candidat à sa propre réélection.

Ces derniers jours, le président Duda et des politiciens du parti au pouvoir (PiS, « Droit et Justice ») ont multiplié les déclarations hostiles aux personnes LGBT+. Les médias publics sous le contrôle du gouvernement ont également diffusé des programmes homophobes et antisémites.

Le président-candidat a lui-même inauguré les attaques, en déclarant que « LGBT est une idéologie, pas des gens » et a promis de « résister » à cette « idéologie » que l’opposition actuelle voudrait imposer à la Pologne, la comparant au « bolchevisme ». D’autres politiciens du parti au pouvoir ont suivi avec des déclarations brutales, injurieuses et parfois ordurières visant les personnes LGBT+.

Cette rhétorique déshumanisante, contre des personnes déjà vulnérables et victimes de crimes de haine, est particulièrement ignominieuse. Le parti au pouvoir tente de dresser les citoyens contre une minorité dans le seul but de rester au pouvoir, dans un contexte d’homophobie grandissante en accord avec une partie de l’Église catholique. En 2019, l’archevêque de Cracovie Jedraszewski a évoqué la « peste couleur arc-en-ciel » fondant sur la Pologne; les participants à la Gay Pride de Bialystok en juillet 2019 ont été victimes d’insultes homophobes et de jets de pétards et de bouteilles par des groupes d’extrême-droite…

Cette nouvelle phase de la campagne, d’une violence quasiment inouïe dans un pays démocratique, a débuté après que le principal candidat d’opposition, Rafal Trzaskowski, est entré en lice. Dans une lettre du 9 juin adressée au parti, Jaroslaw Kaczynski, président de « Droit et Justice », dirigeant de fait de la Pologne, s’en prend à Trzaskowski, qualifié de « partisan acharné de l’idéologie LGBT ».

La télévision publique, véritable organe de propagande au service du parti « Droit et Justice » au pouvoir, a complaisamment relayé les déclarations du président contre les personnes LGBT+.

Des affirmations et insinuations antisémites ont également été faites dans des éditions récentes du journal télévisé, notamment du 15 juin. Ainsi, il a été relevé que le candidat de l’opposition libérale, Rafal Trzaskowski, avait reçu une bourse d’études de la fondation de George Soros, financier au centre de tous les délires complotistes et antisémites. Le candidat libéral a également été accusé de vouloir prendre l’argent du budget de l’État destiné aux « familles polonaises » pour le donner aux « organisations juives », car « de nombreux Juifs pensent que les Polonais doivent payer pour leurs pertes pendant la Seconde guerre mondiale », en référence à la question toujours en suspens d’éventuelles compensations pour les biens nationalisés au sortir du conflit. La propagande du pouvoir a également visé l’inclination du candidat libéral pour les enseignements de Spinoza, « philosophe juif », et a donc « renié le Christ » (sic!) et montré son antipathie envers l’Église. Cette propagande antisémite est ignoble et indigne d’un pays démocratique.

Le pouvoir est prêt à attiser la haine contre des personnes appartenant à des minorités dans le seul but de se maintenir à la tête de l’État.

Ces pratiques des médias gouvernementaux ont déjà eu des conséquences tragiques. En janvier 2019, le maire libéral de Gdansk, Pawel Adamowicz, a été assassiné suite à une campagne acharnée menée contre lui par la télévision d’État.

Une caractéristique particulièrement inquiétante de la situation actuelle est l’alliance entre le parti au pouvoir et l’Église catholique institutionnelle. Dans les termes de Kaczynski: « Qui lève la main sur l’Église lève la main sur la Pologne! L’Église et son enseignement sont le fondement de la polonité, et il ne peut exister de Pologne sans l’Église. » Cette identification de la religion et de l’appartenance nationale est dangereuse pour les droits des citoyens; elle vise à exclure ceux qui ne se plient pas à la norme religieuse.

Les déclarations récentes du président, de politiciens du parti au pouvoir et des médias qu’ils contrôlent constituent de graves atteintes à l’essence même de la démocratie, qui garantit l’égalité des droits de tous les citoyens et le débat libre. Il s’agit d’une attaque frontale contre les valeurs humanistes et les droits humains. Il est particulièrement choquant que les autorités utilisent un discours de haine.

Ces comportements très graves viennent s’ajouter à l’entreprise systématique de destruction de l’État de droit, en particulier de l’indépendance de la justice, par le gouvernement actuel. Ils sont exemplatifs d’une tendance lourde de politiques populistes, autoritaires et intolérantes dans de nombreux États européens, et au-delà.

En conséquence, le Centre d’Action Laïque va saisir les autorités politiques de cette question. Le Centre d’Action Laïque entend veiller au respect des valeurs humanistes et laïques.