Cartes Blanches

L’accès de tous à la justice passe par le refinancement de l’aide juridique

L’accès de tous à la justice passe par le refinancement de l’aide juridique

En soutien à l’action des avocats « pro deo », le CIRÉ et d’autres associations rappellent  l’importance de la question de la qualité et de l’accès à l’aide juridique en Belgique. Ceux-ci dépendent étroitement de la réponse politique qui sera donnée aux revendications des avocats pour une rémunération plus juste des prestations en aide juridique. En effet, sans refinancement de l’aide juridique, l’accès à la justice risque, à terme, de se muer en privilège. Une opinion parue sur le site de la RTBF.

Sans un refinancement rapide de l’aide juridique, l’accès à la justice risque, au vu de la crise économique, de se muer en privilège.

L’aide juridique est un droit garanti par la Convention européenne des droits de l’Homme et par la Constitution. Ainsi, la loi belge assure le droit à l’aide juridique de première et de deuxième ligne. L’aide juridique de première ligne est accordée sous forme d’informations, de conseils et d’orientation juridiques. Elle est dispensée à la fois par les avocats et par le monde associatif. L’aide juridique de deuxième ligne se donne sous la forme d’une assistance juridique en dehors ou dans le cadre d’une procédure, d’un procès, y compris la représentation. Elle est de la compétence exclusive des avocats.

En Belgique, l’aide juridique est essentiellement mise en œuvre par les bureaux d’aide juridique des barreaux. C’est à ce service qu’une personne peut s’adresser pour obtenir l’assistance d’un avocat désigné sur la base d’une liste de volontaires, communément appelé avocat pro deo. Les services de l’avocat désigné seront totalement ou partiellement gratuits, selon les revenus de la personne et l’avocat sera rétribué en bout de course par l’État belge via l’application d’un forfait attribué à chaque prestation.

L’aide juridique est un service public qui vise à assurer le respect de la dignité humaine en donnant à chaque justiciable la possibilité de faire valoir ses droits, que ce soit dans le cadre d’un procès pénal, d’un divorce, d’une situation d’endettement, d’une demande d’asile, d’une atteinte à la vie privée, etc. Sans cet accès gratuit à la justice, de nombreuses personnes se verraient littéralement empêchées de se défendre en justice et perdraient, de ce fait, le bénéfice de leurs droits.

Aussi, les associations qui travaillent aux côtés de personnes à faible ou sans revenus se sentent particulièrement concernées et dénoncent l’inaction de la Ministre de la Justice qui, en refusant de refinancer l’aide juridique, pénalise les bénéficiaires et met à mal leurs droits de la défense.

Depuis de nombreuses années, les associations constatent dans le cadre de leur propre travail d’aide de première ligne, que la qualité de l’aide juridique procurée par les avocats désignés n’est pas toujours au rendez-vous. Et ce, malgré les efforts des barreaux qui ont mis en œuvre des contrôles stricts et imposent une formation continue.

Il est vrai que les avocats pro deo sont amenés à travailler dans des domaines de plus en plus diversifiés et complexes impliquant, pour un travail de qualité, de nombreuses heures de travail, et que la rémunération forfaitaire ne permet pas suffisamment d’en tenir compte. Cela peut avoir pour conséquence que certains avocats compétents finissent par se désintéresser de l’aide juridique, tandis que d’autres qui peinent à trouver une clientèle payante, multiplient des prestations de qualité médiocre. Ce sont les avocats les plus investis dans leur mission d’aide juridique qui nous font remarquer, parfois amers, que « l’aide juridique, c’est bien payé pour ceux qui font mal leur travail… et très mal payé pour ceux qui le font bien ».

En effet, ces dernières années, la pauvreté s’est étendue à une part de plus en plus importante de la population. Le nombre de recours à l’aide juridique a donc considérablement augmenté sans que les moyens financiers ne suivent dans des proportions suffisantes. La dégradation des conditions de travail des avocats de l’aide juridique a un impact négatif sur l’accessibilité et la qualité de l’aide juridique.

Les associations appellent le gouvernement à prendre ses responsabilités et à adopter au plus vite les mesures nécessaires, notamment en termes de financement, pour assurer un service public de pointe qui garantisse le respect de la dignité humaine et l’égalité des justiciables dans la possibilité de faire valoir leurs droits.

Les associations s’inquiètent de ce que notre pays consacre à l’aide juridique (et à la justice en général) une part congrue de son budget. Ainsi, l’État belge consacre actuellement 0,25 % de son PIB à la justice, et 0,019 % à l’aide juridique. Ce qui revient à 16 euros par habitant et par an, soit un tiers à peine du budget consacré par les Pays Bas. Á titre de comparaison, chez notre voisin du Nord, 50 % de la population bénéficie de l’aide juridique gratuite, alors que, d’après les estimations, 20 % seraient concernés en Belgique.

Alors que la précarité touche une part de plus en plus importante de la société, les associations signataires estiment qu’il appartient à l’État de revenir aux « fondamentaux » et de déployer les moyens nécessaires pour assurer l’égalité face à la justice. Et pour cela, c’est entre autres sur l’aide juridique qu’il faut miser.

Sans un refinancement rapide de l’aide juridique, l’accès à la justice risque, au vu de la crise économique, de se muer en privilège.

 

Sont signataires de ce texte :

Pierre Galand (président du Centre d’Action Laïque), CIRÉ (Coordination et Initiatives pour Réfugiés et Étrangers), ADDE (Association pour le Droit des Étrangers), Ligue des Droits de l’Homme, CBAR (Comité Belge d’Aide aux Réfugiés), CSC Bruxelles, FGTB Bruxelles, FGTB Wallonne, CEPAG (Centre d’Education Populaire André Genot), Aide aux Personnes Déplacées, Bernard de Vos (Délégué général aux Droits de l’Enfant), Centre Social Protestant, SESO (Service Social de Solidarité Socialiste), Charles Lejeune (Secrétaire général FdSS, Fédération des Services Sociaux), Équipes Populaires, Point d’Appui, Droits Quotidiens asbl, Service Droits des Jeunes, le Front Commun SDF, Vincent Decroly (coordinateur du service d’aide juridique « Infor-Droits » de la Free Clinic – Bruxelles), Judith Lopez Cardoso (service « Infor-Droits » du Collectif Solidarité contre l’Exclusion – Bruxelles), Cap Migrants, Caritas International, JRS Belgium, Service Social Juif, Convivial, Conseil jeunesse et développement asbl


© Photo: WikiMOtty

Thématiques abordées: