Communiqués de presse

Nommer les choses

Nommer les choses

Dans l’océan d’indignation qui a inondé les médias depuis mercredi dernier et plus singulièrement depuis vendredi, l’essentiel du flot a mis en lumière l’inexcusable atteinte à la liberté d’expression.

C’est évidemment le cœur du message que nous inspire l’attentat commis contre Charlie Hebdo. Toutefois, un aspect qui caractérise les événements tragiques de Paris a été largement sous-médiatisé: celui de l’antisémitisme.

Prenons le parti de l’écrire: les terroristes ont tué des journalistes pour éradiquer le blasphème; des gardiens de la paix pour ébranler l’Etat de droit, laïque et démocratique; des citoyens ordinaires parce qu’ils sont Juifs.

Qui sont les victimes? Qui a payé de sa vie cette folie meurtrière? D’abord, les caricaturistes de Charlie Hebdo. Morts pour avoir blasphémé. Ensuite, les policiers, garants de l’Etat de droit, morts dans l’exercice de leur fonction. Enfin, des Juifs. Morts parce que juifs.

Il est temps d’y revenir. Car le mot « antisémitisme » a été peu entendu depuis ces journées noires. Même à la télévision française, les journalistes parlaient pudiquement de « la prise d’otages de Vincennes » alors que les quatre victimes juives avaient été froidement abattues dès le début de l’action terroriste, bien avant que Coulibaly ne prenne des otages pour tenter d’échapper à son sort.

Pourquoi cette difficulté à reconnaître le retour d’un antisémitisme brutal et larvé?

Et pourtant, depuis l’attentat de mai dernier au Musée Juif de Belgique, qui fit également quatre morts, nul ne peut ignorer que les Juifs sont la cible des djihadistes fanatisés par des prêches invitant à les massacrer sans autre forme de procès. L’amalgame entre « Israël », « sionisme » et « juif » fleurit en tous sens. Il est entretenu par les agitateurs qui instrumentalisent le conflit au Moyen-Orient pour dresser les communautés les unes contre les autres et désigner un bouc émissaire. Est-ce si difficile à dire? L’antisémitisme n’est pas un sujet qui plaît: il remue trop de souvenirs, de non-dits, de culpabilité refoulée. Pourquoi cette difficulté à reconnaître le retour d’un antisémitisme brutal et larvé? On n’hésite plus à tuer et le déni cautionne cette recrudescence. Après la Seconde Guerre mondiale, à côté du « plus jamais ça », on entendit beaucoup de « on ne savait pas ».  Aujourd’hui, cette expression ne peut plus servir. Nous, nous ne pouvons plus dire « nous ne savions pas ». Nous savons. Regarder ailleurs, ne pas nommer les choses, serait doublement inacceptable voire coupable.

Prenons le parti de l’écrire: les terroristes ont tué des journalistes pour éradiquer le blasphème; des gardiens de la paix pour ébranler l’Etat de droit, laïque et démocratique; des  citoyens ordinaires parce qu’ils sont Juifs.

 

Henri Bartholomeeusen, Président du Centre d’Action Laïque


© Photo: CC BY-SA 2.5, Wikimedia Commons

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