Non, la Belgique n’a pas une loi progressiste en matière d’interruption volontaire de grossesse (IVG)!
Un an après le rapport des expert·es qui, unanimement, ont recommandé d’améliorer les conditions d’accès à l’IVG, rien n’a changé. C’est une nouvelle fois, une occasion manquée de garantir l’autonomie de décision des femmes et leur droit à l’avortement. Depuis trop longtemps, les politiques dans notre pays s’apparentent à un déni de démocratie qu’en tant que citoyen·nes, nous dénonçons!
En effet, en dépit de ce que l’on peut entendre depuis des décennies, c’est contraint et forcé que notre pays a assoupli l’interdiction totale de l’avortement qui a prévalu jusqu’en 1990.
Depuis le Code pénal de 1867 qui assimilait l’avortement à un “crime contre l’ordre des familles et la moralité publique”, il n’y a eu que deux changements législatifs… En plus de 150 ans!
La première avancée est celle de la loi de 1990, votée après de longues et pénibles négociations politiques et marquée par le refus du roi Baudouin de signer ce texte, ce qui constitue une entorse à la Constitution. Cette loi a rendu possible l’IVG sous une flopée de conditions cumulatives mais l’a maintenue dans le Code pénal, sans tenir compte ni de la bonne pratique de médecins courageux·ses de l’époque ni des besoins des femmes*.
Ce n’est qu’en 2018, pour faire échouer une proposition en débat au Parlement, que le Gouvernement a sorti un projet de loi apportant des améliorations limitées et, il faut le dire, cosmétiques d’autant plus que cette loi, toujours en vigueur, maintient des peines de prison et des amendes pour les médecins et pour les femmes en cas de non respect des conditions.
Aujourd’hui, en 2024, cette séquence qui a fait injure aux droits des femmes* se répète: l’accord de gouvernement de 2019 a conditionné toute avancée législative sur le dossier de l’avortement à la remise du rapport des expert·es pour trouver un consensus et, enfin, améliorer la loi. Cela fait un an, le 18 avril 2023 que ce rapport a été rendu public; 35 expert·es de toutes convictions et issu·es de toutes les régions du pays ont formulé unanimement 25 recommandations et demandent, entre autres, l’allongement du délai légal jusqu’à 18 semaines, l’abandon des sanctions pénales pour les femmes ainsi que la suppression du délai entre la demande d’IVG et l’intervention…
Depuis? Plus rien! Pris·es en étau entre l’inertie gouvernementale et une obstruction parlementaire, les femmes* et les professionnel·les de santé doivent subir les conséquences d’une loi trop restrictive et toujours en retard sur la réalité du terrain. Chaque année, un demi-millier de femmes sont obligées de franchir nos frontières pour obtenir une IVG aux Pays-Bas avec toutes les difficultés et les coûts que ce voyage entraîne. Il s’agit de femmes* qui ont subi un inceste, un viol, de la violence conjugale, un déni de grossesse ou encore un défaut de contraception… Nous, signataires de cette carte blanche, exigeons que la Belgique vote enfin une loi progressiste en matière d’IVG.
Il faut emboiter le pas aux autres pays européens qui améliorent leur loi. Rien qu’en France, qui vient de constitutionnaliser la “liberté garantie d’avorter”, huit modifications législatives ont été votées, depuis la loi Veil de 1975.
Chez nous, malgré les demandes de la population, des associations de terrain et de nombreux·ses représentant·es politiques, le CD&V avec l’appui de partis nationalistes et d’extrême droite bloque toute évolution sur cette question cruciale pour la santé des femmes* en usant d’arguments non scientifiques. Cette paralysie politique est inadmissible!
Il y a urgence! Nous exigeons la mise au vote, avant les élections, de la proposition de loi qui attend depuis 2020 à la Chambre en y incluant les recommandations des expert·es.
Aujourd’hui, la Belgique a l’occasion de marquer un tournant historique en accordant une pleine reconnaissance aux droits des femmes* à disposer librement de leur corps et à décider pour elles-mêmes.
* Le terme “femme(s)*” désigne les femmes, les filles et toute personne pouvant être enceinte.
Signataires:
Cette carte blanche est portée par les associations membres de la plateforme Abortion Right (Centre d’Action Laïque, Conseil des Femmes Francophone de Belgique, deMens.nu – Unie Vrijzinnige Verenigingen vzw, Fédération des Centres de Planning et de Consultations, Fédération des Centres Pluralistes de Planning Familial, Fédération Laïque de Centres de Planning familial, La Fédé militante des centres de Planning familial solidaires – Sofélia, Furia, Groupe d’Action des Centres Extra-Hospitaliers Pratiquant L’Avortement ASBL, Garance, Humanistisch – Vrijzinnige Vereniging (HVV), LUNA abortus centra, Médecins du Monde – Dokters van de Wereld, Nederlandstalige Vrouwen Raad (NVR), O’Yes asbl, Synergie des femmes pour l’égalité entre les Femmes et les Hommes, Université des femmes, VUB Dilemma et de nombreux centres de planning familial) et est soutenue par plus de 300 personnalités et membres de la société civile du Nord et du Sud du pays (voir liste sur abortionright.eu)