
Alors que l’égalité de fait entre les hommes et les femmes n’est toujours pas une réalité dans notre pays, alors qu’on sait qu’elles restent discriminées dans tous les domaines et à toutes les étapes de leur existence, en particulier lorsqu’elles sont enceintes, le Centre d’Action Laïque s’inquiète du dépôt d’une proposition de loi au Parlement modifiant le code civil en vue d’instaurer une protection juridique prénatale dont un des résultats, si elle était votée, pourrait être de purement et simplement enfermer de force des futures mamans en difficulté!
Ce texte, signé par l’ancien président du Spa John Crombez et la députée NVA Valérie Van Peel, voudrait protéger in utero les futurs enfants dont les mamans boivent, se droguent ou souffrent de troubles psychiques. Louable intention, sauf que les moyens prévus sont, non seulement humainement atroces, mais totalement inadaptés à ces situations. Les assuétudes cela se soigne, avec un accompagnement et des produits de substitution pas par un sevrage abrupt, qui non seulement ne fonctionne jamais, mais engendre de terribles souffrances physiques, pour la future maman et donc pour l’enfant qu’elle porte. Ces députés devraient écouter les soignants qui accompagnent ces femmes pendant leur grossesse, mais qui doivent les renvoyer à leur solitude. Car, chez nous, il n’y a pas de financement pour les garder et les suivre, après l’accouchement, dans leurs premiers jours ou semaines avec le bébé.
L’effet pervers d’un tel projet est évident: les femmes à risque de tomber sous le coup de cette loi auront encore davantage de craintes de se confier et cacheront leur addiction pour ne pas être colloquées. Qui les en blâmera? Car, même malades, alcooliques ou droguées, les femmes veulent le meilleur pour leur futur enfant, envers et contre elles-mêmes. Prétendre le contraire, c’est se baser sur les stéréotypes les plus sexistes à propos des femmes qui seraient dévergondées, irresponsables, mauvaises mères.
À la lecture du texte, on peut en réalité se demander si mettre les femmes sous tutelle n’est pas finalement le projet de société qui sous-tend cette proposition de loi. Car, curieusement, il n’y est jamais question de la responsabilité du géniteur ou du père avéré; ni des violences subies par ces femmes abîmées. Jamais ce texte n’évoque la protection des femmes, mais uniquement celle de leur fœtus comme si les droits de celui-ci primaient sur ceux de sa future maman. Exonérer le géniteur, enfermer et contrôler les femmes, faire primer la vie du fœtus sur celle de la femme: retour aux heures les plus sombres d’un patriarcat…
Sous les oripeaux d’une condescendance charitable, ce texte profondément misogyne doit être dénoncé. Puis jeté aux oubliettes. Le parlement a vraiment d’autres chats à fouetter…