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Comment lutter contre les groupements non démocratiques ?

Comment lutter contre les groupements non démocratiques ?

Les agissements du groupuscule Sharia4Belgium identifié comme l’ennemi public n°1 ont suscité le dépôt par la ministre de l’Intérieur d’un projet de loi visant à interdire ce type de groupement.

A nos yeux, il est évident que des mouvements extrémistes qui veulent imposer leur conception de vie aux autres et prônent l’exclusion, n’ont pas leur place dans un Etat démocratique.

Mais aujourd’hui, nous sommes également de plus en plus inquiets face aux législations émotionnelles adoptées ces dernières années en matière de sécurité au sens large et qui, insensiblement, érodent nos droits fondamentaux, à savoir les lois sur les infractions terroristes, sur les méthodes particulières de recherche, sur le screening, la circulaire sur le certificat de bonne vie et mœurs… Or la volonté de la ministre de l’Intérieur de faire adopter à la hussarde une loi interdisant les groupements anti-démocratiques s’inscrit dans cette dynamique de réponses sans réflexion sur le long terme. En bref, s’agit-il de légiférer pour communiquer ou pour véritablement améliorer notre législation?

Il convient donc d’éviter les effets d’annonce qui n’apportent pas de réponses à long terme aux problèmes et qui, en revanche, sont de nature à donner du crédit aux adversaires de la démocratie.

Notre inquiétude est encore amplifiée lorsque nous constatons que certaines propositions de lois et amendements actuellement discutés en commission de l’Intérieur préconisent une éventuelle dissolution de pareils groupements sur décision du Conseil des ministres, et non du pouvoir judiciaire. Le pouvoir exécutif pourrait ainsi couper les vivres aux mouvements censés jouer le rôle de contre-pouvoir, situation de nature à mettre à mal la liberté d’association dans notre pays.

Pourtant, tous les instruments internationaux protégeant les droits de l’Homme nous rappellent qu’un équilibre doit absolument être assuré entre les libertés d’association, de religion et d’expression et la nécessité de sanctionner les personnes qui abusent de ces droits en incitant à la haine. Un équilibre délicat certes, mais indispensable, entre la protection de l’intérêt général et la garantie des droits et libertés de chacun.

L’opportunité d’un renforcement de notre arsenal juridique dans l’extrême urgence mérite réflexion au vu de notre droit pénal et administratif qui comporte déjà un grand nombre de dispositions visant à sanctionner les dérives terroristes et discriminatoires. Notamment, la loi du 30 juillet 1981 qui réprime certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie, la loi du 19 décembre 2003 relative aux infractions terroristes, la nouvelle loi communale qui donne la possibilité aux bourgmestres d’interdire la manifestation ou la simple réunion de mouvements anti-démocratiques et le Code pénal qui prévoit des dispositions pouvant s’appliquer à des groupes anti-démocratiques.

Il existe, par conséquent dans l’arsenal juridique belge actuel, des outils pour appréhender les groupes extrémistes dans leurs actions anti-démocratiques et haineuses. Il convient donc d’éviter les effets d’annonce qui n’apportent pas de réponses à long terme aux problèmes et qui, en revanche, sont de nature à donner du crédit aux adversaires de la démocratie. Les priorités sont d’un autre ordre. Il convient d’une part, d’appliquer les lois déjà existantes. Et d’autre part, d’agir par la prévention afin de combattre les facteurs sociaux et culturels qui suscitent l’adhésion extrémiste.

 

Signataires : FGTB/ABVV, Union Nationale des Mutualités Socialistes/Nationaal Verbond van de Socialistische Mutualiteiten, Centre d’Action Laïque (CAL), Les Femmes Prévoyantes Socialistes, Présence et Action Culturelles (PAC), Les Territoires de la Mémoire, La Ligue des Droits de l’Homme, Coordination Nationale d’Action pour la Paix et la Démocratie (CNAPD).

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