Ce jeudi, à l’heure de l’apéro, l’enseignement était en débat au PIL, le Point Info Laïcité, à deux pas du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Priorités historiques du mouvement laïque, l’école et l’enseignement se trouvent évidemment en bonne place dans le Mémorandum du Centre d’Action Laïque pour les élections du 26 mai prochain. Les propositions et revendications en la matière sont nombreuses: généralisation de l’EVRAS (éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle), réforme du calendrier scolaire, défense du réseau public, école inclusive… Mais ce jeudi nous avions décidé d’en mettre deux en avant: le cours de philosophie et de citoyenneté (CPC) et la gratuité, deux dossiers qui posent de nombreuses questions d’inégalité.
Autour de la table, pour en débattre (par ordre alphabétique): Antoine de Borman (cdH), Delphine Chabbert (PS), Jean-Pierre Kerckhofs (PTB), Bénédicte Linard (Ecolo), Dorothée Scheveneels (DéFI) et David Weytsman (MR).
Le CPC: 2 heures pour tous? dès la 3e maternelle?
Pour rappel, le Centre d’Action Laïque défend le projet d’un cours de philosophie et de citoyenneté de deux périodes par semaine, tout au long de la scolarité obligatoire, et l’offre optionnelle (hors grilles horaires) de cours de religion et de morale non confessionnelle. Nous avons demandé aux représentants politiques de présenter leurs solutions pour sortir des difficultés organisationnelles liées à la mise en œuvre du CPC, ainsi que la réponse qu’ils apporteront à la question que posera l’abaissement à 5 ans de l’obligation scolaire (1): quid donc de l’organisation de cours de religion et de morale non confessionnelle en maternelle?
Pour Delphine Chabbert, nouvelle venue au PS, « l’école est un lieu ouvert, de rencontres, où on va apprendre à construire la société. Cela doit se faire ensemble. » La proposition du PS, confirmée dans leur programme, est de passer à 2 heures de CPC, pour tous, dans tous les réseaux, pour tous les niveaux, y compris en maternelle. L’initiation à la philosophie pourrait donc débuter avec les plus petits.
David Weytsman (MR) a clairement affirmé « nous sommes pour les 2 heures de CPC dans l’enseignement public. Pour l’enseignement libre, c’est à eux de voir ». Rien ne transparaît pourtant dans leur programme. Quant à savoir s’il faudra organiser des cours de religions/morale dès 5 ans: « c’est clair, c’est dans la Constitution: il va falloir les organiser ».
Dorothée Scheveneels a réaffirmé le soutien de DéFI au projet des 2 heures: « On est pour les 2 heures de CPC, pour tous, dans tous les réseaux et pour tous les niveaux, avec la possibilité de suivre les cours de religion/morale en-dehors de la grille horaire. » Avec néanmoins une « ouverture au dialogue inter-convictionnel dans la deuxième heure, et la possibilité d’avoir des cours donnés en commun par plusieurs profs de religion ». Ce qui n’a pas rassuré l’entièreté du public présent. Quant à la 3e maternelle, il s’agira d’offrir la même solution que celle qui existe en primaire.
Le PTB, Jean-Pierre Kerckhofs, soutient fermement le cours de philosophie et de citoyenneté: « Le CPC est, pour nous, un cours important, pour apprendre à réfléchir sur le monde, plus important que les cours de morale/religion. Pour cette raison, nous sommes pour les 2 heures de CPC partout et pour tous. » Il propose aussi de sortir les cours de religion des grilles horaires obligatoires et des cours certificatifs. Et s’il faut changer la Constitution, singulièrement pour ne pas avoir à offrir des cours de religion/morale dès la maternelle, le PTB le soutiendra.
Bénédicte Linard a présenté la position intermédiaire d’Ecolo: « Il important, dans le contexte de repli actuel de la société, de rassembler plutôt que diviser. Nous sommes pour une généralisation de 1 heure de CPC dans tous les réseaux. La transversalité, comme dans le libre confessionnel, n’est pas suffisante. » Voilà qui est clair: oui donc, pour l’imposer aux écoles libres, mais Ecolo n’est pas encore unanimement prêt pour l’extension à 2 heures.
Antoine de Borman (cdH) a défendu une position sans ambiguïté: « Pour nous, c’est d’abord une question de liberté de choix, dans le respect de la Constitution. Par ailleurs, reléguer la religion dans la sphère privée n’est pas la meilleure manière de faciliter le dialogue entre communautés. » Pas question donc d’étendre le CPC à 2h et oui au maintien des cours de religion/morale dans les grilles horaires. Le cdH ne sera par ailleurs pas demandeur d’organiser les cours de religion/morale dès 5 ans.
Bref, le cours de CPC de 2h pour tous ne fait pas encore l’unanimité politique. Quant à savoir à quelle sauce seront mangé les élèves de 3e maternelle, tous les scénarii sont encore possibles…
La gratuité: pourquoi? comment?
Pour le Centre d’Action Laïque, la gratuité de l’école est une mesure prioritaire pour viser l’égalité entre enfants et l’émancipation de chacun. Qu’en pensent les candidats?
Pour Dorothée Scheveneels, il s’agit « de mettre en place un plan d’action transversal, à tous les niveaux de pouvoir, pour favoriser l’émancipation: renforcer l’aide aux parents, augmenter le nombre de places en crèches, créer de nouvelles écoles (technologiques), etc. »
Bénédicte Linard a rappelé l’engagement d’Ecolo en cette matière: « Les inégalités scolaires sont renforcées par la pauvreté. La gratuité est donc nécessaire. Il faut un véritable ‘plan pour la gratuité’ pour avoir une échéance effective pour y arriver. » La première étape: le maternel, la seconde: le primaire.
Antoine de Borman a souligné toutes les avancées en la matière et la volonté du cdH d’encadrer les voyages scolaires avant de ramener la question des inégalités à d’autres dimensions: « La gratuité n’est pas la seule mesure à mettre en place pour garantir l’égalité. […] Par ailleurs, cette question ne peut pas être déliée des différences de traitements entre établissements. » Une allusion claire à la dernière campagne du Secrétariat général de l’enseignement catholique qui réclame un renforcement du financement de son réseau.
Jean-Pierre Kerckhofs a défendu une position ferme: « L’enseignement doit être totalement gratuit parce que c’est un droit fondamental. Pour y arriver, nous sommes pour des garderies gratuites, la suppression du ‘droit de chaises’ et pour un ‘kit de rentrée’ offert aux élèves ».
Delphine Chabbert dénonce ce qu’elle appelle « un véritable scandale ». Et s’il y a eu des avancées sous la législature qui se termine, « il faut continuer. Pour le PS, il faut arriver à terme à la gratuité totale. Il faut aller progressivement notamment vers des repas gratuits, des garderies gratuites… ».
David Weytsman a une vision assez différente: « La gratuité est un outil parmi d’autres. S’il y a des barrières pour certains, il faut pouvoir agir. » La gratuité ne devrait donc pas être généralisée à tous les élèves, seulement à ceux qui en ont besoin…
Mémorandum du Centre d’Action Laïque: coups de cœur et coups de gueule
Enfin, avant de conclure et de donner la parole à la salle, nous avons demandé à chaque candidat de nous faire part de leur « coup de cœur » et de leur « coup de gueule » quant aux propositions et revendications portées par le Centre d’Action Laïque au niveau communautaire.
Bénédicte Linard – Ecolo
❤️ Tout ce qui touche à l’égalité femmes-hommes. Dans le domaine de l’école, notamment, c’est important de déconstruire les stéréotypes liés au genre.
👎 Pas vraiment de coup de gueule sur notre Mémorandum.
Delphine Chabbert – PS
❤️ Toute la partie sur la petite enfance.
👎 Partage notre demande comme son coup de gueule: aller plus loin dans le cadastre des écoles et du nombre de places.
Antoine de Borman – cdH
❤️ L’inclusion des élèves porteurs d’un handicap.
👎 Le traitement inégalitaire des réseaux, car un élève n’est pas égal à un autre élève.
David Weytsman – MR
❤️ Le cadastre des bâtiments scolaires.
👎 Le cadastre des bâtiments scolaires… car ça fait des années que le MR le demande.
Dorothée Scheveneels – DéFI
❤️ Le soutien à l’enseignement technique, professionnel et de promotion sociale.
👎 L’informatisation, notamment pour les demandes de bourses p. ex…. pas toujours possible pour tous.
Jean-Pierre Kerckhofs – PTB
❤️ Le réseau unique d’enseignement (public).
👎 Le renforcement du tronc commun n’est pas « le seul » moyen pour lutter contre les inégalités scolaires.
(1) Lire: L’obligation scolaire abaissée à 5 ans à partir du 1er septembre 2020, Le Soir, 19/02/2019