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Légalisation de l’avortement en Argentine: une loi dont pourrait s’inspirer la Belgique

Légalisation de l’avortement en Argentine: une loi dont pourrait s’inspirer la Belgique

La loi votée en Argentine ce 30 décembre 2020 légalisant l’interruption volontaire de grossesse (IVG) est un pas de géant pour les droits des femmes. La loi argentine est exemplaire à plusieurs égards (voir analyse comparative complète en fin d’article):

  • un délai de 14 semaines depuis la conceptionun maximum de 5 jours entre la demande et l’IVG
  • une loi qui se focalise sur le droit à la santé physique et psychique des femmes et sur leur autodétermination
  • l’interdiction aux professionnels de la santé et de l’accueil de faire intervenir une quelconque considération personnelle ou religieuse dans leur pratique
  • la gratuité complète, depuis le diagnostic de la grossesse jusqu’aux prises en charge thérapeutiques post-IVG à la demande de la femme
  • délit d’entrave et de manœuvres dilatoires sanctionné
  • éducation sexuelle à tous les niveaux d’enseignement
  • formation continue pour tous les intervenants

Enfin, et surtout, une femme ne pourra jamais être sanctionnée pour avoir pratiqué sur elle-même ou fait pratiquer volontairement une IVG, même en dehors des conditions légales.

Notons encore que, sur le plan principiel, la santé des femmes est entendue selon la définition de l’OMS, c’est-à-dire ne se limitant pas à l’absence de maladie; la santé doit être globale, physique et psychique.

Le profil des femmes bénéficiant de ces nouvelles dispositions est par ailleurs bien plus large qu’en Belgique: la loi argentine garantit à toute femme ou femme enceinte, indépendamment de sa nationalité, de son origine, de son statut de transit et/ou de sa résidence/citoyenneté, tous les droits reconnus dans la Constitution nationale et les traités relatifs aux droits humains ratifiés par la République argentine, en particulier les droits sexuels et reproductifs, à la dignité, à la vie, à l’autonomie, à la santé, à l’éducation, à l’intégrité, à la diversité corporelle, à l’identité de genre, à la diversité ethnoculturelle, à la vie privée, à une réelle égalité des chances, à la non-discrimination et à une vie sans violence.

Une loi humaniste, progressiste, exemplaire en matière de droits des femmes, dont la Belgique devrait s’inspirer.

IVG: comparaison entre les lois argentine et belge

1. Délai pour avorter

  • Argentine: 14 semaines de gestation
  • Belgique: 12 semaines de gestation

2. Attente entre le 1er rendez-vous et l’intervention

  •  Argentine: délai maximal d’attente de 5 jours civils
  • Belgique: délai minimal de 6 jours

3. Exception au délai des 14 semaines

  • Argentine: En cas de viol, l’intervention peut être pratiquée au-delà du délai légal.
  • Belgique: Cette exception n’est pas prévue dans la loi belge .

4. Informations obligatoires à fournir à la femme en demande d’IVG

  • Argentine: Outre les informations sur les conditions de l’intervention et ses potentielles conséquences, le personnel est tenu d’informer la femme des risques encourus en cas de report de l’IVG.
    Les informations transmises aux femmes et filles argentines ne peuvent contenir aucune considération personnelle ou religieuse. Elles doivent être « laïques » au sens de sécularisées. Les soins et le soutien prévus dans cet article doivent être fondés sur les principes d’autonomie, de liberté, de respect de la vie privée et de confidentialité, dans une perspective de droits. En aucun cas, ces services ne peuvent être obligatoires ou constituer une condition pour l’exercice de la pratique.
  • Belgique: Une des conditions pour pouvoir avorter est de recevoir des informations sur la possibilité de mener la grossesse à terme et de donner l’enfant non désiré à l’adoption. Une autre information obligatoire en Belgique concerne les risques médicaux liés à l’IVG, qui sont nuls comme les 30 ans de pratique légale le démontrent.
    La loi belge conditionne la pratique à toute une série de prescrits (conditions pour recourir à une IVG).

5. Mineures d’âge

  • Argentine: Les filles en dessous de 13 ans doivent pouvoir mettre fin à leur grossesse et pouvoir donner leur consentement, assistées d’un parent ou représentant légal. La convention relative aux droits de l’enfant s’applique, notamment en ce qui concerne son intérêt supérieur et le droit d’être entendu de tout enfant ou adolescent de voir son opinion prise en compte.
  • Belgique: Les mineures ne doivent pas être accompagnées d’un parent mais d’une personne de confiance majeure.

6. Femmes handicapées

  • Argentine: Les femmes sont réputées pouvoir donner leur consentement quel que soit leur handicap. Aucune femme ou femme enceinte ne peut être substituée dans l’exercice de ce droit par des tiers, quel que soit leur handicap, leur diagnostic de santé ou la détermination judiciaire de leur capacité juridique. Si une personne a une capacité judiciairement restreinte et que la restriction n’est pas liée à l’exercice des droits accordés par cette loi, elle peut donner son consentement éclairé, en demandant, si elle le souhaite, l’assistance du système de soutien prévu à l’article 43 du code civil et commercial. Dans le cas d’une personne déclarée juridiquement incapable, elle doit donner son consentement avec l’aide de son représentant légal ou, en son absence, d’un parent au sens de l’article 59 du code civil et commercial.

7. Délit d’entrave

  • Argentine:  L’autorité d’un établissement de santé, le professionnel ou le personnel de santé qui retarde, entrave ou refuse de façon injustifiée de pratiquer un avortement dans les cas légalement autorisés est puni d’un emprisonnement de 3 mois à un 1 an et d’une déchéance spéciale pour le double de la durée de la peine. La peine est portée de 1 à 3 ans d’emprisonnement si un préjudice a été causé à la santé de la femme ou de la femme enceinte. Si le comportement entraîne la mort de la femme ou de la femme enceinte, la peine est portée à cinq ans d’emprisonnement.
  • Belgique: Le délit d’entrave n’existe pas. La clause de conscience protège au contraire les opposants à la décision de la femme. Rien n’est prévu pour punir ceux qui ont retardé ou entravé l’intervention demandée par une femme en demande d’IVG.

8. Couverture par les soins de santé

  • Argentine: La couverture est gratuite et complète, assurée par les services de soins de santé, en ce compris le diagnostic de la grossesse, les médicaments et les thérapies de soutien.
  • Belgique: Ce n’est pas le cas en Belgique.

9. Éducation à la sexualité (EVRAS)

  • Argentine: L’éducation sexuelle intégrale, qui établit des politiques actives pour la promotion et le renforcement de la santé sexuelle et reproductive de toute la population, est augmentée de l’obligation de prévoir dans les programmes scolaires de tous les niveaux d’enseignement une information sur l’IVG.
    Le contenu des programmes d’enseignement sur l’avortement doit être enseigné comme un droit des femmes et des femmes enceintes, par un contenu scientifique, laïque, fiable, actualisé et sensible au genre qui peut renforcer leur autonomie. Les contenus respectifs doivent être inclus dans les programmes de tous les niveaux d’enseignement, indépendamment de la modalité, de l’environnement ou du cadre des établissements d’enseignement, qu’ils soient publics, privés ou sociaux, qui doivent être rendus effectifs sur tout le territoire national à partir de l’année scolaire suivant immédiatement l’entrée en vigueur de la présente loi.
  • Belgique: En Belgique, ce n’est pas le cas!

10. Formation continue sur l’IVG

  • Argentine: Obligatoire pour tout le personnel enseignant, des secteurs de santé ou les fonctionnaires concernés. Cette formation continue sur la perspective de genre et de diversité sexuelle doit être fournie à tous les enseignants et aux professionnels et autres travailleurs de la santé afin de fournir des soins, un soutien et un suivi appropriés à ceux qui souhaitent pratiquer une interruption volontaire de grossesse dans le cadre de cette loi, ainsi qu’à tous les fonctionnaires qui agissent dans le cadre de ces processus.
  • Belgique: la formation à la pratique de l’IVG est marginale, sur base volontaire, en dehors des cursus. Aucune information n’est diffusée; jusqu’en octobre 2018, celle-ci était même illégale (article 483 du Code pénal interdisant toute publicité et information sur l’avortement).

11. Peines de prison à l’encontre de la femme

  • Argentine: La femme ou la femme enceinte qui provoque son propre avortement ou consent à ce qu’une autre personne le provoque n’est en aucun cas punie.
  • Belgique: La femme qui aura fait pratiquer un avortement en-dehors des conditions prévues à l’article 350 du Code pénal, aux termes de l’article 351 du même code, est punie d’un mois à un an d’emprisonnement et d’une amende de cinquante à deux cents euros.

12. Peines en cas d’IVG non consentie

  • Argentine: L’avortement non consenti est puni d’une peine de 3 ans à 10 ans de prison. La peine est de 15 ans de prison si la femme décède.
  • Belgique: l’article 348 du Code pénal belge punit de cinq à dix ans d’emprisonnement celui qui par tout moyen aura « à dessein fait avorter une femme qui n’y a pas consenti ». Si l’interruption de grossesse à laquelle la femme n’a pas consenti entraîne la mort, la peine d’emprisonnement est comprise entre dix et quinze ans (article 352 du même code).

13. Peines en cas de violences entrainant un avortement sans intention de mettre fin à la grossesse

  • Argentine: Toute personne qui provoque violemment un avortement sans avoir eu l’intention de le faire est punie d’une peine d’emprisonnement de six mois à deux ans, si l’état de la grossesse de la femme ou de la femme enceinte lui est connu.
  • Belgique: Les violences volontaires qui entraînent un avortement sans intention de le produire sont punies de trois mois à deux ans d’emprisonnement et d’une amende de vingt-six à cinq cents euros (article 349 alinéa 1). Si les violences ont été commises avec préméditation, ou avec connaissance de l’état de la femme, la peine est de de six mois à trois ans d’emprisonnement et une amende de cinquante à cinq cents euros (article 349 alinéa 2 du même code).
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