
Les explosions qui ont ravagé Beyrouth en août 2020, dans un contexte de crise économique grave et de pandémie de Covid-19, ont mené le Liban au bord du gouffre. Elles ont révélé des décennies de mauvaise gestion, de corruption, d’incompétence des élites politiques. Pour beaucoup de Libanais, en particulier de jeunes, cette crise a une cause principale: le confessionnalisme, en vertu duquel les fonctions politiques, mais aussi les postes dans la fonction publique, les grandes entreprises, etc., sont réparties en fonction de l’appartenance religieuse, et non la compétence.
Dans ce petit pays dont les habitants appartiennent à dix-huit communautés religieuses différentes – dont trois principales: catholicisme oriental (maronite), islam sunnite, islam chiite – le système confessionnel a longtemps été considéré comme la seule manière de garantir un minimum de stabilité. En effet, il a pu garantir la coexistence et les droits de toutes les communautés religieuses. Selon ses défenseurs, le problème n’est pas le système confessionnel en en tant que tel, mais plutôt dans la mentalité sectaire qui marque son application.
Ses défauts sont cependant devenus flagrants: communautarisme, clientélisme… Ce système a aussi favorisé la corruption et le pouvoir de clans dominant chaque communauté, au détriment de de la majorité des citoyens.
La Constitution a beau affirmer depuis 1991 que “la suppression du confessionnalisme politique constitue un but national essentiel”, les partis – fondés justement sur une base confessionnelle – n’ont jamais esquissé le moindre pas dans cette direction. En revanche, la laïcisation du système politique est revendiquée par de nombreux citoyens ayant manifesté au cours des dernières années.
C’est dans ce contexte que le président de la République, Michel Aoun, a récemment appelé à transformer le Liban en État laïque (ou “civil”, dans une autre traduction). Il a dit être “convaincu que seul un État laïque est capable de protéger le pluralisme, de le préserver en le transformant en unité réelle”. Cette annonce du président Aoun a cependant été accueillie avec scepticisme, car il représente l’élite qui a largement bénéficié du système confessionnel et clientéliste.
Une république laïque est la seule solution viable pour un pays connaissant une telle diversité religieuse. La laïcité répond aux attentes d’une grande partie de la population qui veut se libérer des assignations communautaires. Elle est seule à même de garantir effectivement la liberté et l’égalité réelles des citoyens, ainsi que de créer un système politique orienté vers la réalisation de l’intérêt général et non le partage de l’Etat au profit de communautés et de leurs chefs.