Les amendements à la Constitution russe, confirmés dans un vote au résultat sans surprise le 1er juillet, ont déjà fait l’objet de nombreuses critiques. La plupart ont porté sur la « remise à zéro » des mandats présidentiels, permettant à Vladimir Poutine de rester au pouvoir jusqu’en 2036, ainsi que sur le vote lui-même, entaché de nombreux soupçons d’irrégularités (1).
Le Centre d’Action Laïque est également préoccupé par certains autres amendements, qui constituent une attaque frontale contre les valeurs européennes laïques et la garantie des droits fondamentaux.
En effet, la Constitution russe prétend désormais « préserver la mémoire des ancêtres qui nous ont transmis des idéaux et la foi en Dieu », en rupture avec le caractère séculier de l’État.
Dans le même sens, « la préservation des valeurs familiales traditionnelles » devient un objectif de la politique de l’État; cela passe par « la protection de l’institution du mariage en tant qu’union d’un homme et d’une femme ». Cet amendement rend impossible toute loi ouvrant le mariage civil aux couples de même sexe.
Cette réforme est l’aboutissement d’une politique homophobe délibérée menée depuis presque une décennie. En 2013 déjà, la Russie avait adopté une loi « interdisant la propagande homosexuelle » (2), qui a été depuis condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme (3). L’homophobie est par ailleurs systématiquement utilisée par la Russie dans sa politique étrangère (4), notamment dans les pays voisins (Ukraine, Moldavie, Géorgie…) pour créer et entretenir l’hostilité d’une partie de l’opinion publique contre l’Union européenne.
Cette politique se place dans le contexte d’une alliance du pouvoir et de l’Église orthodoxe. La proximité idéologique et politique entre le régime et l’Église est dangereuse pour les droits des citoyens. C’est un réflexe typique des régimes autoritaires cherchant un moyen de consolider leur pouvoir.
En outre, la réforme constitutionnelle franchit une étape orwellienne quand elle proclame que « la Fédération de Russie (…) assure la protection de la vérité historique », ce qui renforce la mise au pas des voix dissidentes.
De manière alarmante pour l’avenir des droits fondamentaux en Russie, la supériorité de la Constitution sur le droit international est explicitement proclamée. Un amendement vise directement les arrêts de juridictions internationales, comme la Cour européenne des droits de l’homme, et prévoit qu’ils ne seront pas appliqués s’ils sont contraires à la Constitution. Il s’agit d’une violation flagrante du droit international et des obligations internationales de la Russie, notamment en regard de la Convention européenne des droits de l’homme. S’il ne fait que graver dans le marbre une pratique suivie depuis plusieurs années, cet amendement rend inefficace les recours de ses citoyens devant des organismes supranationaux.
Le Centre d’Action Laïque est alarmé par l’appel aux « valeurs traditionnelles », à la religion et à la propagande homophobe par les autorités russes. Le Centre d’Action Laïque va saisir le ministre des Affaires étrangères pour lui faire part de ses inquiétudes.
(1) https://www.lemonde.fr/international/article/2020/07/02/referendum-constitutionnel-en-russie-poutine-remercie-les-russes-l-occident-pointe-des-irregularites_6044997_3210.html
(2) https://www.hrw.org/report/2018/12/11/no-support/russias-gay-propaganda-law-imperils-lgbt-youth
(3) https://www.marianne.net/monde/lgbt-homophobie-la-cedh-condamne-la-russie-pour-sa-loi-contre-la-propagande-homosexuelle
(4) https://www.opendemocracy.net/en/odr/lgbt-rights-eastern-neighbourhood-geopolitical-issue/