L’écrivain italien Paolo Giordano a écrit Contagions « dans le feu de l’urgence », entre le 29 février et le 6 mars, alors que l’expérience du confinement démarrait en Italie. Pourquoi cette précipitation ? « Pour ne pas passer à côté de ce que la peur nous révèle », nous dit-il. Son éditeur français comptait le publier début avril, « car ce témoignage est un éclairage fort, stimulant et profond sur la pandémie, ses possibles sources, ses implications et les changements qu’elle opérera sur notre vie et notre pratique du monde, dans l’immédiat et à long terme » pour finalement décider de l’offrir en libre accès. Plus habitué au style romanesque, Paolo Giordano se livre ici à l’auto-analyse de ses angoisses. Ce n’est pas tant le fait de tomber malade qui l’effraie, mais de quoi a-t-il peur alors ? « De tout ce que la pandémie risque de changer. De découvrir que l’échafaudage de la civilisation que je connais est un château de cartes. J’ai peur de la table rase, mais aussi de son contraire : que la peur passe en vain, sans laisser de trace derrière elle. » Contagions n’est pas pour autant un énième journal de confiné isolé et stressé qui comble l’ennui par l’écriture. On retrouve dans son récit au jour le jour toute la finesse et la justesse des mots sur les maux que nous sommes tous « susceptibles » de partager, ainsi qu’une réflexion globale sur le « comment en sommes-nous arrivés là ». Et alors que le déconfinement a commencé en Italie et ailleurs, ce texte utile est un rappel à la prudence et à la patience. À la solidarité aussi, car « dans la contagion, nous redevenons une communauté ». (ad)