Espace de libertés | Mars 2020 (n° 487)

Qui sont les jeunes Juifs de Bruxelles ? (Nicolas Zomersztajn)


Opinion

Comment se définissent les jeunes Juifs qui vivent en région bruxelloise ? Quel rapport entretiennent-ils avec la laïcité ? Être juif, pour eux, est-ce indéniablement lié à la religion ou plutôt à une culture ? Réponses avec Nicolas Zomersztajn, rédacteur en chef de Regards, la revue du Centre communautaire laïc juif (CCLJ), suite à une enquête effectuée auprès de 150 jeunes âgés de 14 à 18 ans, membres des mouvements de jeunesse juifs ou inscrits au cours de religion israélite dans une école non juive.

« Nous souhaitions combler une lacune sur le fait qu’il n’existait pas d’étude sur les Juifs de Bruxelles. Selon ses résultats, 61 % des jeunes interrogés affirment ne pas croire en Dieu, ce qui n’empêche pas 95 % d’entre eux de se considérer comme juifs. Cela peut paraître paradoxal, mais être juif, ce n’est pas seulement pratiquer une religion, c’est appartenir à un peuple, une culture, à une histoire, raison pour laquelle le judaïsme constitue le référent essentiel de nombreux Juifs. Il s’agit avant tout d’un sentiment d’appartenance à une communauté, à son destin. Même si l’élément religieux n’est pas présent pour le Juif laïque, il ne rejette pas pour autant tous les éléments du judaïsme, car c’est un très beau patrimoine qui lui appartient aussi. Il peut également en retirer des enseignements éthiques et moraux, des valeurs. Et c’est un repère historique qui fait partie de son identité.

© Marc-Henri Cykiert

© Marc-Henri Cykiert

Le judaïsme a la particularité d’être une orthopraxie (conduite conforme aux rites prescrits, NDLR), mais chez les Juifs laïques, on n’applique donc pas la loi : la stricte observance ne fait plus partie de la vie quotidienne. Nous ne voulons pas pour autant rejeter notre histoire, notre culture, notre identité. Par exemple, Hanouka, la fête des Lumières, reste importante pour les Juifs laïques, car c’est aussi la fête de la liberté, un moment où l’on se rappelle qu’un envahisseur a voulu que le peuple juif s’assimile complètement. Il y a donc de beaux enseignements à en tirer.

L’enquête révèle aujourd’hui que 70 % de jeunes Juifs n’ont jamais dû faire face à des propos antisémites. Évidemment, 30 %, c’est beaucoup, cela fait 50 enfants sur 150. Même si ce chiffre n’est pas terriblement élevé, il l’est quand même trop, et il est clair que l’on note une montée de l’antisémitisme.

La plupart des jeunes Juifs se sentent bien en Belgique et n’envisagent pas d’aller s’installer en Israël. Cela ne les empêche pas d’avoir un lien affectif, parfois familial et alors d’autant plus fort, avec ce pays.