Tout commence avec Ève et Louise, survivantes à leur manière, résistantes, à la marge et au-dedans d’une société totalitaire. Leurs récits se répondent pour s’ouvrir ensuite à ceux de Rosa l’ensevelie, Grace l’échappée belle, Raphaël l’uranien et l’enfant « née d’une utopie », bondissant d’une rive à l’autre, d’une époque à l’autre, d’une dissidence à l’autre. Dès les premières lignes, on est entraîné, presque bercé par le rythme poétique d’une prose dans laquelle chaque mot pèse tout son poids. Le voyage littéraire n’est pas sans rappeler La Servante écarlate de Margaret Atwood et Moi qui n’ai pas connu les hommes de Jacqueline Harpman. On y retrouve l’État totalitaire, les frontières fermées, le désastre écologique, la chute de la natalité puis la reproduction forcée. Et, le symbole est toujours aussi fort, l’interdiction des livres, bien trop dangereux lorsque l’on tente d’asservir toute une population, les femmes payant comme toujours le plus lourd tribut. On y trouve également la sororité comme moyen de résistance et l’espoir prochain d’une vie nouvelle, une vie fondée sur la solidarité, la résilience et la rébellion. Pour imaginer ses héroïnes, l’auteure et performeuse féministe française s’est directement inspirée des Guérillères de Monique Wittig dont elle distille sans nul doute l’esprit. « Une dystopie où se reflètent les crises que nous traversons aujourd’hui. Un roman choral poétique et incandescent, où l’on parle d’émancipation des corps, d’esprit de révolte et de sororité. Un hommage à la littérature et à son potentiel émancipateur et subversif. » On ne dira pas mieux que l’éditeur – qui consacre par ailleurs toute une collection aux sorcières d’hier et d’aujourd’hui. On ajoutera juste que si l’avenir n’est pas dans la pierre, il sera tout feu tout femme. (ad)
Des idées et des mots