D’un côté, le journaliste Denis Lafay. De l’autre, l’avocat pénaliste français Éric Dupond-Moretti. Dans ce dialogue couché sur le papier, le ténor du barreau rend compte, sans concession, de sa vision du monde judiciaire et des médias. Au détour des affaires qui ont émaillé sa carrière (entre autres, Merah, Tron, Benzema, Cahuzac, Outreau), il dresse un bilan souvent acéré de notre société actuelle et déplore en particulier le puritanisme et le conformisme ambiant qui la jalonnent. C’est avec le procès d’Abdelkader Merah, frère de Mohamed Merah, que débutent les échanges. Éric Dupond-Moretti y décrit les raisons qui l’ont amené à accepter de défendre « l’indéfendable » et explique sa vision du métier d’avocat : pour le prévenu, il est l’ultime rempart contre tous ceux qui veulent, coûte que coûte, sa condamnation. Peu importe les faits et les preuves. Pour lui, la justice est la confiscation du droit à la vengeance et il est souvent difficile pour le juge, dans un contexte ultramédiatisé, de tenir une position totalement impartiale. C’est donc aux avocats de ne pas laisser les envies de vengeance légitimes s’exprimer dans une traduction judiciaire. Ce livre est aussi l’occasion pour lui de dépeindre les attaques virulentes dont il a fait l’objet pendant et après le procès Merah, notamment via les réseaux sociaux. Des attaques qui l’ont, peu à peu, miné et amené à coucher sur le papier ses réflexions. Traitement des victimes, rôle des médias, monde politique, épi­neuse question de la radicalisation… Éric Dupond-Moretti aborde tous ces sujets avec nuance et complexité, sans tabou ni conformisme. (jp)