« Seule à mon Mariage » c’est le film portrait d’une jeune femme qui s’exile pour tenter de se trouver. Marta Bergman, cinéaste attachée à la cause des Roms, collabore avec Alina Şerban, actrice engagée dans la lutte contre les discriminations, pour signer un film émouvant et plein d’énergie.
Pamela, robe à fleurs jaunes, sac fuchsia au bras et détermination fébrile en bandoulière, décide de quitter la vie rude de son village enneigé de Roumanie. Elle emmène sa fille de 2 ans et laisse derrière elle son jeune soupirant aux yeux de loup. Avec trois objectifs précis : trouver la teinture qui convient à ses cheveux (dans une sorte de métaphore des errements de son existence), la tenue qui lui sied le mieux (là aussi, toute métaphore avec la « vraie » vie n’est pas due au hasard) et l’homme qui lui convient : celui qui habitera, avec elle, dans un pays prospère. Pamela devra donc apprendre, et de préférence à toute allure, les règles du jeu d’un nouveau monde, qui se refuse depuis toujours à elle et aux siens.
L’Occident, Eldorado à tout prix !
« L’histoire du film s’inscrit dans un contexte contemporain pour les communautés roms : l’Occident et ses mirages continuent de les faire rêver. Dans le village de Pamela, chaque maisonnette possède pourtant une télévision et une antenne parabolique ouverte sur le monde. Mais même les informations télévisées objectives témoignant de la crise économique et des expulsions, n’y font rien. Les gens sont prêts à tout pour forcer les portes de l’Union européenne. Je ne voulais pas d’un film misérabiliste pour autant, ni d’un récit qui enferme ses personnages dans des clichés », explique Marta Bergman.
Une fiction née du réel
« Pamela est née des films documentaires que j’ai tournés précédemment, notamment en Roumanie. Et de certaines situations que j’ai pu rencontrer. J’ai repensé à ces filles que j’avais filmées, sans doute parties se prostituer, et je me suis demandé ce qu’elles étaient devenues. Le personnage de Pamela est né de ce magma, de ces images, ces rencontres, ces émotions », poursuit la réalisatrice. « Ce n’est pas un premier long-métrage pour moi, mais c’est par contre ma première fiction. Je ne trace pas de frontière franche entre documentaire et fiction, l’un se nourrit de l’autre. Dans mes documentaires, je regarde les gens comme des personnages, et j’entends que mes fictions s’inscrivent dans une certaine vérité. » Bilan : le cinéma de Marta Bergman ne cède pas d’un pouce à la tentation de l’exotisme ou à la tension attendue des rapports de classe. Le film prend corps, comme par effraction discrète, dans l’inattendu et dans l’observation fine de ses personnages.
Dans le rôle principal, une pépite
De plus, si Seule à mon mariage est une réussite, il le doit autant à sa réalisation qu’à ses comédiens. À l’instar de son héroïne, l’incandescente actrice Alina Şerban ici révélée, le film ne se laisse pas facilement ranger dans une case, bousculant sur son passage les codes de son récit d’apparence classique. Les cadres, d’une rigueur radicale, accompagnent le fol élan de Pamela dans sa tentative d’entrer, justement, dans un nouveau, cadre de vie. Mais la jeune femme en déborde…
« Dès qu’Alina Şerban est entrée dans la salle de casting, j’ai su qu’elle serait Pamela. Indépendante, instinctive, débordante d’énergie et généreuse, elle a apporté toutes les nuances et la complexité qu’il fallait au personnage », appuie Bergman. « Et c’est le même sentiment qui, d’ailleurs, m’a poussée à vouloir travailler avec Tom Vermeir pour interpréter Bruno, partenaire masculin d’Alina. Tom est un comédien puissant, qui nourrit énormément ses personnages. La thématique principale de mon film, c’est celle d’une femme qui s’émancipe, qui pense qu’elle doit le faire à travers un homme, et qui découvre qu’elle peut le faire par elle-même. »
Marta Bergman met donc surtout en avant un personnage déchiré entre sa féminité et sa maternité. Elle confirme : « Ce déchirement infuse toutes les séquences. Dans son village déjà, Pamela était isolée, n’obéissait pas aux règles, n’endossait pas le rôle que l’on attendait d’elle. Ici, elle voudrait être libre, comme elle imagine que les femmes le sont en Belgique. Ce qui n’est pas du tout gagné d’avance ! » Preuves par l’image.