Espace de libertés | Novembre 2019 (n° 483)

La boîte verte derrière la gare


Des idées et des mots

« C’est un corps dur vibrant/habité par un théâtre permanent » : ici point de vision moralisatrice, encore moins prohibitionniste. Nous sommes dans la « boîte verte », comme l’appellent celles et ceux qui fréquentent le Quai 9 à Genève : un espace d’accueil et de consommation pour les usagers de drogues, ouvert depuis 2001 dans le cadre de la politique de réduction des risques mise en place en Suisse. Cet ouvrage, entremêlant approches scientifique et artistique grâce à la contribution de l’artiste genevois Max Jacot, nous invite à embarquer dans le quotidien d’une salle de consommation à moindre risque. Déconstruire les apparences, briser les clichés, rendre leur humanité aux usagers, combler le fossé entre ceux-ci et le public sont autant d’objectifs que se sont assignés ses contributeurs. Réalisé sous la direction de Martine Baudin et de l’association Première ligne, il propose notamment de courts essais rédigés par des professionnels, des chercheurs, un philosophe et un usager, constituant une forme de synthèse des questions qui se posent à l’heure actuelle en matière de politique de drogues et, plus généralement, de gestion des assuétudes. En guise de ponctuation s’égrènent au fil des pages différents témoignages d’usagers de drogues mais aussi d’habitants du quartier, donnant à voir, sans complaisance, tous les aspects qui entourent la mise en place d’un tel dispositif. Les illustrations de Max Jacot – un travail photographique aux couleurs vives agrémenté de textes poétiques – rythment ce livre-album et contribuent à en faire un émouvant témoignage du quotidien du Quai 9. Un ouvrage très intéressant qui nous rappelle, si besoin est, combien un changement de paradigme en matière de drogues s’avère aujourd’hui indispensable. (ac)