Espace de libertés | Octobre 2019 (n° 482)

Des idées et des mots

Chacun a parfaitement le droit d’avoir son opinion sur l’euthanasie et de l’exprimer. Cependant, la lecture d’ »arguments » peu étayés, dans une optique présentée comme factuelle et objective – mais en réalité très orientée – se révèle ici surtout rébarbative. Outre la perpétuelle complainte d’être des « résistants » (si si…) incompris face à un soi-disant puissant mouvement d’opinion acquis à la cause (pour rappel, on compte sur les doigts d’une main les pays qui, dans le monde, autorisent l’euthanasie), reviennent les sempiternels poncifs de la « pente glissante », de la « panoplie complète » dont on disposerait pour apaiser la souffrance ou encore du « contexte économique » qui pousserait à pratiquer des euthanasies pour diminuer le nombre de (chers) patients… Rien de surprenant : les auteurs, dans leur grande majorité, sont tout simplement des opposants déclarés à la législation belge sur l’euthanasie. Dès lors, le seul intérêt de cette lecture réside dans l’analyse du choix des angles d’attaque : la clause de conscience, présentée comme remise en cause, et la souffrance psychique minimisée ou niée tout au long des pages de l’ouvrage. Nous savons donc à quoi nous en tenir et quels feux seront prochainement allumés. Mais pour l’observateur attentif des débats sur la fin de vie, la véritable surprise à la découverte de ces pages réside sans nul doute dans ce qui est absent. En effet, nulle référence à un quelconque texte sacré, ni à tel ou tel commandement clérical : la religion est tout bonnement absente de ces Réflexions et expériences de soignants présentés comme le fruit de faits et de raisonnements. Plus que la volonté de laisser la foi en dehors de ce débat (le pape vient encore d’indiquer ce 2 septembre que l’euthanasie « se base sur une vision utilitariste de la personne, laquelle devient inutile ou peut être assimilée à un coût […] souvent même à un déchet »…), on peut supputer que, fidèle à la tactique déjà éprouvée par l’Institut européen de bioéthique, avancer masqué dans cet ouvrage n’est que l’application du précepte de Sun Tzu : « Tout l’art de la guerre est basé sur la duperie. » (bvdm)