Espace de libertés | Octobre 2019 (n° 482)

Sur le banc des accusés


Des idées et des mots

Tous les jours, on juge, on condamne, on acquitte, on indemnise. Dans son essai, Juger, Geoffroy de Lagasnerie nous livre une critique sociologique de la justice et de la pénalité. Dès les premières pages, l’auteur fait part de son sentiment de malaise quant aux scènes qui se jouent devant lui, dans la petite salle des assises de Paris qu’il a fréquentée durant de nombreux mois. Comment proposer une analyse sociologique loin de ce que tout le monde dit déjà, sait déjà et ce dont tout le monde a déjà conscience ? L’auteur propose d’interroger la violence, la rationalité politique et les effets de pouvoir en questionnant les fondements de ce qu’il qualifie de « mécanisme de la dénégation » : l’occultation du monde social. Que veut dire, dans une société, se doter d’un système pénal et d’un appareil répressif ? Que signifie juger et punir ? Que signifie être ju­gé ? Ce système, qui s’inscrit dans le confort de l’habitude, représente pourtant, selon le sociologue, une réaction évidente aux illégalités et aux brèches de la vie en société. Mais suivant quelle logique et en vertu de quelle signification ? L’auteur les soumet à un questionnement radical et éthique. « Après tout, il faut bien juger ». Mais de quelles façons ? S’appuyant tour à tour sur des récits et sur des travaux théoriques, Geoffroy de Lagasnerie formule une critique véhémente et déconcertante du rôle de l’État, de la symbolique de l’action pénale et répressive et remet fondamentalement la responsabilité individuelle en question. (fw)