Ils se lisent tout d’une traite ou chapitre par chapitre, les treize portraits de compositeurs de musique classique de renom brossés par Laure Dautriche. L’auteure, journaliste, musicologue et musicienne, débute avec les génies musicaux : Jean-Baptiste Lully, tout à la gloire de Louis XIV, suivi de Jean-Sébastien Bach, donnant à entendre, côté Réforme, une gloire divine que les peintres donnent à voir côté Contre-Réforme. Elle s’attarde sur Wolfgang Amadeus Mozart, franc-maçon illuminant sa musique d’un idéal de fraternité qui, transformé en idéal républicain, sera ensuite servi par les musiques de François-Joseph Gossec et d’Hector Berlioz après avoir entre-temps servi toute la musique de Ludwig van Beethoven. Sont traités ensuite Giuseppe Verdi, symbole, pas vraiment malgré lui, d’une Italie unifiée, et Claude Debussy à la recherche d’une musique purement française pour raisons patriotiques. Finalement, Laure Dautriche aborde les années noires du XXe siècle, entre nausée et désespoir. Après la figure controversée de Richard Strauss resté en Allemagne nazie, plus par vanité que par complicité, et immanquablement récupéré par ce régime, elle dépeint celles de résistants comme Dimitri Chostakovitch, qui a su ruser avec le régime stalinien ; Gideon Klein, jeune déporté à Terezín, composant une musique de résistance à la déshumanisation des camps ; Mikis Theodorakis, chantre d’une Grèce éternelle face à la dictature des Colonels ; et enfin, John Adams, voix d’une Amérique en recherche de repères. Ainsi replacés dans leur contexte sociohistorique, Ces musiciens qui ont fait l’histoire mettent en lumière trois tendances : il y a ceux qui suivent le mouvement de l’histoire, ceux qui le transgressent et ceux qui lui résistent. Le livre n’est ni un essai de musicologie auquel seuls des mélomanes érudits prendraient plaisir ni, comme pourrait le laisser supposer une quatrième de couverture quelque peu maladroite, un recueil d’anecdotes qui laisserait le lecteur sur sa faim. Écrit dans un style simple et familier, chacun de ces portraits ne donne qu’une seule envie : celle d’aller écouter chaque œuvre évoquée… et plus encore si affinités. (av)
Des idées et des mots