D’une plume savoureuse et enlevée, Catherine Clément, philosophe et romancière, revient dans un essai passionnant sur cette période que nous appelons Renaissance, mais qui a pourtant vu foisonner les bûchers. La chasse aux sorcières est un crime contre l’humanité tombé dans l’oubli, rappelle-t-elle d’emblée. Un crime qui a disposé de théoriciens, les clercs d’Église, ainsi que d’exécuteurs zélés. Le 5 décembre 1484, le pape Innocent VIII organise la lutte contre la sorcellerie et réduit cette forme d’hérésie au genre féminin. Peu après, deux inquisiteurs dominicains publient le Marteau des sorcières, un fatras inepte et dépourvu d’arguments qui va pourtant servir de bréviaire aux chasseurs de sorcières pendant des siècles. Avec, pour résultat macabre, la mise à mort de dizaines de milliers de personnes, en grande majorité des femmes, suppliciées, pendues ou brûlées vives. L’auteure s’attache ici à dépeindre les faits et les conséquences de cette traque en France. Elle nous propose également une réflexion sur les liens entre misogynie, féminisme, religion et sorcellerie. « Bonnes à tuer » pour protéger le « membre viril », les sorcières sont surtout des femmes qui dérangent. Coupables en somme d’une seule chose : être femmes. Catherine Clément n’hésite d’ailleurs pas à comparer leur sort à celui des victimes actuelles de féminicides. Aujourd’hui, de l’icône féministe à la coach en développement personnel en passant par l’adepte de la Wicca, la réappropriation de la figure de la sorcière, femme puissante et savante, est répandue. L’heure est au devoir de mémoire et à la réhabilitation. Ainsi, depuis 2011, le mémorial de Steilneset commémore les 91 victimes du procès en sorcellerie de Vardø en Norvège. Chez nous, la Ville de Lier vient de présenter ses excuses pour avoir condamné Cathelyne Van den Bulcke au bûcher en 1590. L’occasion de rappeler que, dans d’autres contrées, des femmes et des enfants accusés de sorcellerie continuent à être exclus ou mis à mort, victimes de l’ordre patriarcal et des superstitions. (ac)
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