Espace de libertés | Mars 2021 (n° 497)

Opinion

L’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle (ÉVRAS) ne fait toujours pas l’objet d’un enseignement généralisé, ni même labellisé. Il s’agit pourtant d’une matière importante pour la construction des identités des jeunes, de leur confiance en eux et pour leur bien-être. Riche de quinze ans d’animation d’ateliers ÉVRAS au sein des écoles, de la maternelle au secondaire, Julie Henriet vient de publier un livre à la fois réflexif et provenant de son expérience de terrain. Elle nous en livre quelques points importants.


« L’ÉVRAS ne s’adresse pas qu’aux jeunes qui entrent dans une sexualité active. Elle est importante dès le plus jeune âge pour aide les enfants à développer des capacités leur permettant d’être bien dans leur tête, dans leur corps et dans leur rapport aux autres. Le « S » de sexualité peut être source de réticences de son enseignement, notamment en maternelle. Avant toute animation, on récolte d’abord les besoins présents dans une classe et une école et on construit le projet sur cette base. C’est un point très important. Au-delà de cela, on parle beaucoup de la sensorialité en maternelle  : de nos cinq sens et des répercussions des sons, des couleurs sur notre corps. Est-ce que c’est agréable ? Cela permet à l’enfant, précisément, d’apprendre à dire “non” quand cela ne lui convient pas. Cela amène aussi la question de la bulle intime  : quand je suis trop proche de quelqu’un, qu’est-ce que cela induit en moi comme réaction ? On parle des émotions de base, des stéréotypes, par exemple en les traitant au travers des jouets. On parle du corps, de la vulve et du pénis comme des parties particulières mais intégrées  : on va apprendre à les nommer. Ces thèmes qui interagissent entre eux vont aussi aider l’enfant à percevoir les bases d’un consentement et de la confiance en eux pour dire “non” lorsque c’est nécessaire. Cela doit aussi leur permettre de réfléchir à la parole de l’adulte, car beaucoup d’enfants estiment que l’adulte a un statut d’autorité. La formation des animatrices et animateurs est essentielle, elle est aujourd’hui trop floue, avec des temps de retour des professionnels, trop peu présents. Car être en contact avec des jeunes qui viennent déposer des choses, cela nous renvoie à nous-même, à notre propre adolescence. Cela peut créer des résonances avec lesquelles on peut travailler, mais il faut être au clair avec ses représentations, ses valeurs. La question de la posture de l’animateur est essentielle, car nous ne détenons pas la morale, la façon d’être en sexualité ou en relation. La question de la liberté individuelle est importante et l’un des écueils pourrait être que l’on se positionne en tant qu’animateur avec des “il faut” et des jugements sur les pratiques, des postures sur le genre. Comme l’enseignement de l’ÉVRAS n’est pas labellisé, certains animateurs peuvent amener des idées rétrogrades. C’est une question sociétale, car on peut mettre beaucoup d’énergie dans une animation et être confronté.e à une publicité sexiste en sortant de l’école. Il y a énormément de paramètres pour que cela fonctionne, il faut vraiment que cela soit un projet d’école. » (vc)