Espace de libertés | Mai 2019 (n° 479)

International

Atteindre l’électorat pro-européen, dont la mobilisation paraît cruciale dans un contexte de montée des discours nationalistes, c’est l’objectif de l’assemblée législative de l’UE. Coup de projecteur sur la campagne «  Cette fois je vote  » qui se veut innovante car décentralisée.

En 2014, la Slovaquie battait le record du taux de participation le plus bas jamais enregistré à des élections européennes  : 13  %, soit à peine une personne sur dix qui s’était déplacée. La moyenne européenne, elle, s’élevait à 42  % avec seulement huit pays atteignant un chiffre supérieur à 50  %. Qu’il s’agisse du déficit démocratique tant décrié de l’Union européenne, de son manque d’efficacité, de ses politiques souvent vues comme privilégiant les vainqueurs de la mondialisation ou qu’il s’agisse d’un manque d’engagement par les élus pour mieux expliquer l’Europe, les campagnes pour les élections européennes s’articulent trop souvent sur les enjeux de politique nationale. Résultat  : de nombreux citoyens se désintéressent de ces élections alors que les statistiques le montrent  : 60  % des Européens se disent favorables à l’Union européenne. Ce résultat est le plus haut enregistré depuis 1983.

Pour amener les électeurs et électrices aux urnes, le Parlement européen s’inspire des grandes campagnes mobilisatrices qui ont amené Obama ou Macron au pouvoir. Lilla Pintér, chargée de mission au Service de communication du Parlement européen, l’explique  : au lieu d’imaginer une campagne de terrain uniforme, l’idée consiste à en rester à un message simple – » Cette fois je vote  » – et d’encourager le citoyen réceptif à ce message à se l’approprier et à le propager dans son entourage. De cette manière, le message est promu de bouche à oreille, il est adapté au contexte local et se voit – on l’espère du moins – assorti d’un argumentaire plutôt euro-optimiste.

Un appel à la mobilisation

Pour démarrer, le citoyen s’inscrit sur le web et se voit tout de suite proposer de partager sur les réseaux sociaux sa décision  : «  Cette fois je vote.  » Il lui est ensuite proposé d’aller plus loin  : «  Cette fois, il ne suffit pas d’espérer un avenir meilleur. Cette fois, nous devons tous prendre nos responsabilités. C’est pourquoi aujourd’hui, nous ne vous demandons pas seulement de voter, mais aussi d’inviter un maximum de personnes à faire de même.  » Lui sont alors présentées différentes manières de s’engager  : en tant que recruteur afin de rallier un maximum de personnes, en tant qu’organisateur d’événements tels que des rencontres, des débats, des quiz ou des rencontres privées où il s’agit juste de parler d’Europe et des élections à ses proches. D’autres options comprennent des activités sur les réseaux sociaux. Chaque fois, un certificat d’engagement est promis aux plus actifs.

Afin de faciliter l’action citoyenne, une boîte à outils réunissant visuels, posters, photos et autres éléments de communication est mise à disposition, dont la carte «  Cette fois je vote pour…  » qui permet à tout un chacun d’exprimer la raison qui l’incite à aller voter. Enfin, derniers éléments majeurs de ce dispositif  : deux sites accessibles en vingt-trois langues. Le premier porte sur les modalités de vote et d’inscription aux listes électorales. Le deuxième, intitulé «  Ce que l’Europe fait pour moi  », permet de s’informer en quelques clics sur les projets mis en place et financés par des fonds européens dans sa région ainsi que les politiques mises en œuvre par l’UE. Ainsi, en Belgique, on apprend que l’Union a financé la promotion et le perfectionnement du réseau cyclable La Famenne à vélo ou qu’à Liège des fonds, permettent la revalorisation de 1000 hectares de friches industrielles.

Côté chiffres, début avril, pas moins de 250 000 personnes étaient inscrites et de nombreux événements prévus. Même si, il faut le préciser, la répartition de ces derniers sur le territoire européen restait très inégale, avec seulement quatre événements en Belgique1, tous à Bruxelles, alors qu’en Allemagne plusieurs dizaines d’événements se répartissaient sur les zones provinciales également. Un exemple parmi d’autres  : un groupe de jeunes Bavarois proposant de rejoindre un bus de campagne qui ferait le tour de la ville de Munich le week-end du 4 mai.

Cette fois, je vote en Hongrie

Alors, campagne réellement mobilisatrice ou rêve d’une institution espérant vainement toucher des citoyens en mal d’intérêt  ? C’est ce que nous avons cherché à comprendre en rencontrant Luis, militant proche des jeunes progressistes hongrois. À Budapest, Luis s’est engagé dans l’initiative Jövőképző – comprenez La Fabrique d’avenirs – qui propose des formations permettant d’aiguiser son esprit critique et autres compétences personnelles. Luis est l’un des premiers à avoir contacté les représentants des institutions européennes sur place. S’en est suivie une collaboration que Luis qualifie de fructueuse, même s’il nous explique qu’au tout début, le personnel de l’UE était timoré à l’idée d’articuler un message résolument pro-européen dans un espace public hongrois dominé par la propagande anti-européenne de Viktor Orbán. Et pourtant, les demandes et idées de projet affluent alors que se forme une communauté de jeunes gens désireux de clamer haut et fort leur attachement à l’idée européenne et d’exprimer leur rejet des messages populistes du gouvernement.

Plus d’Europe : également après

Luis projette trois événements se focalisant respectivement sur l’explication du paysage politique européen, sur les modalités d’inscription, ainsi que sur des témoignages personnels sous forme de «  monologues européens  », des vidéos dans lesquelles des Hongrois vivant à l’étranger et des étrangers vivant en Hongrie racontent leur histoire personnelle et leur attachement aux valeurs européennes. En outre, en utilisant les ressources mises à disposition par le site «  Ce que l’Europe fait pour moi  », son initiative fera la promotion chaque semaine d’un exemple de projet dont la mise en place a bénéficié d’un soutien européen. Luis confirme que la disponibilité du personnel du Bureau de liaison européen qui met à disposition locaux et logistique permet un travail plus efficace et la consolidation d’une communauté créative qui entend faire perdurer la collaboration au-delà des élections.

Le Parlement européen aurait-il trouvé une nouvelle approche qui permet de mieux mobiliser les citoyens européens ? C’est possible. Reste à voir quel sera l’impact de cette campagne sur les taux de participation et si cette nouvelle approche est suffisante pour pallier le manque de présence de l’Europe dans les débats et médias nationaux à la veille de ces élections européennes sous pression.