Comment créer du commun, produire des actions collectives en pariant sur des expérimentations, des devenirs, des repérages de « situations-problèmes » ? Prenant acte de la fin d’une certaine manière de faire de la politique (forme du parti, collectifs soumis à des objectifs macropolitiques…), l’ouvrage roboratif de David Vercauteren, Thierry Müller et Olivier Crabbé propose une puissante boîte à outils ancrée dans un parcours militant. Revenant sur leur trajectoire, de VeGA (Verts pour une gauche alternative) à la création de Collectif sans nom à Bruxelles en 1997, à celle de Collectif sans ticket ensuite, les auteurs mettent en place des nouvelles formes d’organisation politique. Ne sachant le récupérer, le capitalisme mais aussi l’idéologie du mouvement ouvrier ont muselé l’héritage des savoirs et des luttes que véhiculaient des communautés telles que les sorcières, les paysans. À partir de ce constat, ils en appellent à la « culture des précédents », à un besoin de récits. Si on saluera la fine radiographie des effets pervers produits par une survalorisation des luttes macropolitiques (menées par les syndicats, les partis…), d’une militance ralliée aux questions de stratégie, d’une articulation entre moyens et fin, on pointera une crainte : le souci de défendre les micropolitiques de groupes ne se solde-t-il pas par une relative impuissance dès lors que la micropolitique reste prise dans le registre de l’éthique ? Demeure béante la question du nouage entre micro- et macro-. Comment, au niveau des actions collectives, articuler local et global afin que la propagation rhizomateuse de résistances locales infléchisse l’état du monde ? Procédant par entrées (autodissolution, décider, évaluer, événement, pouvoir, puissance, rôles…), l’ouvrage ouvre de riches perspectives de construction de pratiques collectives branchées sur ce qui favorise l’émancipation. Dans un monde gagné par l’essor des droites dures, nous avons plus que jamais besoin de ces armes réflexives.
Des idées et des mots