Espace de libertés | Janvier 2019 (n° 475)

Adieu napalm, roquettes et autres bombes à sous-munitions ! On l’apprend à l’instant, à la seconde même où nous mettons sous presse : annulant l’offre somptuaire de quinze milliards pour de fringants chasseurs de combat F-35, la Belgique leur a récemment préféré l’acquisition d’une bonne douzaine de biplans Sopwith Camel. Pour l’essentiel à cause de leur joli nom, mais aussi parce que ça ne coûtera guère au contribuable belge, au pire 0,0067 % du budget initial. Tollé dans les cénacles militaristes, esclandre dans les groupuscules va-t-en-guerre ! Mais on a muselé les premiers, nous sommes rendus sourds aux seconds : le bon sens, la justice, l’honneur même du pays étaient à ce prix, en l’occurrence un million d’euros à la grosse louche, pièces et main-d’œuvre.

Imitant ainsi à sa façon l’exemple probant du Costa Rica, qui a constitutionnellement décidé de renoncer à toute armée, la Belgique veut frapper un grand coup et tordre le cou aux idées reçues, œuvrant à la réduction des dépenses militaires et promouvant l’aide humanitaire. En effet, la principale mission de ces chasseurs polyvalents, qui ont largement fait leurs preuves durant la Grande Guerre, serait de balancer des bombes au chocolat, de distribuer de la vraie roquette comestible, de confier des palmes aux pêcheurs de perles… Mieux même ou presque : en temps de paix, leurs pilotes, tous fumigènes dehors, paraderont dans les ciels de Bruxelles, Wallonie et de Flandre, afin d’y écrire les mots « Paix », « Amour », « Bonté », « Beauté » en lettres fuchsia, mauves, jaunes, stimulant ainsi les rêves des enfants à l’occasion de cabrioles subtilement pairées dans l’azur.
Ce n’est qu’une étape toutefois ; la prochaine sera d’offrir toute l’armée à l’Organisation des Nations unies. L’armée belge deviendrait ainsi la première force militaire au monde à être, pour le dire d’une autre façon, en totalité constituée de Casques bleus. Pour cette raison même – et vu que le Sopwith Camel est souverainement incapable, à la différence du F-16 mais aussi du F-35, d’emporter l’une des vingt bombes thermonucléaires que notre sympathique allié étasunien a eu la prévenance d’entreposer chez nous – nous serons donc bientôt quittes de ces engins infernaux. Ces vieux coucous à bas coût nous permettront donc de faire d’une pierre deux coups.