La criminalisation a des conséquences importantes pour les usagers et les usagères de drogues. En tant que directeur de la Fédération bruxelloise francophone des institutions pour toxicomanes (FEDITO BXL), Stéphane Leclercq, pouvez-vous nous en détailler les aspects les plus préoccupants ?
Puisque la production et la distribution sont implicitement confiées à des organisations criminelles, la qualité des substances n’est pas contrôlée. Cela signifie que la composition, les dosages et les produits de coupe sont incertains et peuvent avoir de graves conséquences sur la santé. Plus insidieusement, c’est la stigmatisation qui pèse lourd. Elle génère des tabous dans les familles, fait en sorte que l’usager qui rencontre des ennuis va hésiter à en parler et à chercher de l’aide, que certains métiers sont inaccessibles quand on a eu des problèmes judiciaires pour simple consommation, et plus généralement que les usagers et les usagères se retrouvent plus facilement marginalisés. En Belgique, la police tente de lutter contre les trafiquants, mais continue surtout d’interpeller des milliers et des milliers d’usagers, chaque année; plus dans certains quartiers que d’autres… sans faire baisser ni l’offre ni la demande. Le coût est énorme, en termes sociaux et économiques.
Vous êtes à l’initiative de la campagne #STOP1921 avec Bruxelles laïque et La Liaison antiprohibitionniste. Quel en est le propos ?
« Stop 1921 », cela signifie qu’il est temps de changer la loi « drogues » en Belgique. Nous pensons qu’il serait à tout le moins important de cesser de criminaliser les usagers et les usagères, d’arrêter de punir des gens qui ont un problème d’addiction. L’argent public devrait être investi de façon plus efficace, c’est-à-dire prioritairement dans la prévention, la réduction des risques et le soin. Comme le Portugal le fait depuis 2001, avec succès.
La loi qui régit les comportements liés à l’usage de drogues aura cent ans en février. Qu’est-ce que cela vous inspire, et avez-vous des projets pour cette année symbolique ?
Il est temps de s’arrêter et de réfléchir afin de définir une nouvelle politique fondée sur la santé publique, la justice sociale et les droits humains. C’est un triste anniversaire, que nous allons célébrer de plusieurs façons. Nous mènerons tout au long de l’année une campagne de sensibilisation qui présentera nos arguments contre la loi actuelle. Le 24 février, nous interpellerons le politique de manière symbolique et ludique. La Liaison antiprohibitionniste organise un colloque international au mois de mai, pour examiner les solutions alternatives à la prohibition de par le monde et tenter d’établir un modèle belge. Enfin, du 11 au 15 octobre, de nombreuses associations s’uniront pour mettre sur pied une semaine d’événements, de conférences et de rencontres sur le thème « Drogues, dépendances et société : tous concernés ». Une année riche, en somme.