La Fondation pour l’Assistance Morale aux Détenus passe par la case prison depuis 50 ans pour venir en aide aux détenus. Un anniversaire important pour une organisation aux avant-postes de la lutte pour la dignité de ceux qui se trouvent derrière les barreaux…
Recruter des conseillers moraux qui passent de prison en prison pour s’entretenir avec des détenus, organiser et encadrer leurs activités… ces deux missions principales assurées par la Fondation pour l’Assistance Morale aux Détenus (FAMD) ont pour objectif de faciliter le reclassement des détenus lorsque ces derniers sortiront de leurs quatre murs. Et ce depuis cinq décennies. L’occasion de dresser un bilan, mais aussi de tisser des perspectives d’avenir. Et le bon moment, aussi, pour revenir d’abord sur le contexte de la création de la Fondation.
1958: des démarches sont entreprises pour la reconnaissance de conseillers moraux à côté des aumôniers. Six ans et bien des tergiversations plus tard, arrive enfin la création la FAMD. Mais cette naissance allait aussi signifier le début des vraies difficultés. Avec, au premier rang d’entre-elles: la résistance de l’administration et de certains ministres face au projet, ainsi que la nécessité de faire comprendre aux détenus en quoi consistait cette possibilité nouvelle de rencontrer ces visiteurs d’un genre nouveau et de se confier à eux plutôt qu’à un aumônier. Cependant, au fil des années, la FAMD a toujours réussi à recruter et à disposer en permanence de plusieurs dizaines de conseillers moraux. Contribuant à la mise en place d’un véritable service d’animation et d’éducation permanente destiné à développer des activités en prison. Et contribuant aussi à ébaucher un service social doté d’un cadre de plusieurs assistants sociaux actifs auprès des détenus et des ex-détenus de la région bruxelloise.
Des convictions bien affirmées
Le tout en veillant bien entendu à ce que les convictions laïques des aidants soient bien affirmées à travers des missions clairement définies: assurer une écoute active et attentive du détenu, lui témoigner de la loyauté, de la franchise et du dévouement, assurer auprès de lui un suivi régulier, si nécessaire participer au maintien ou à la reconstruction des liens du détenu avec l’extérieur (famille, amis…), aider le détenu à entamer une réflexion personnelle, l’encourager à prendre mieux conscience des contraintes inhérentes à la vie familiale, professionnelle et sociale, ainsi que, primordial s’il en est, faire respecter la dignité et les droits de base de ces personnes… Finalement, en l’espace de 50 ans, c’est un chiffre considérable de femmes et d’hommes qui ont consacré leur temps à ce secteur d’activité peu connu du grand public, et dont l’utilité sociale n’est pas toujours aussi appréciée qu’elle le mériterait.
De plus, au-delà de ces activités ancrées dans le quotidien, la Fondation s’est aussi bien entendu penchée sur la situation des prisons. Donnant naissance, en 1977, à un dossier sur la réforme pénitentiaire à l’intention du ministre de la Justice. Puis, aboutissant, en 1988, à un mémorandum exposant une série de soucis pourtant (trop) bien connus des autorités ayant la mainmise sur la situation carcérale, tels la surpopulation, l’accroissement de la récidive et la nécessité impérieuse de mieux travailler à la réinsertion sociale.
Mais la FAMD ne s’est pas arrêtée à ses (multiples) missions de base durant ses cinq décennies d’existence. Puisque, aidée par sa pratique du terrain carcéral, et supportée par un questionnaire rempli par tous ses conseillers durant cette année 2014, elle a aussi entamé une plongée en apnée dans la réalité du terrain. Débouchant sur une série de constats articulés comme autant de bases de réflexion. Dont deux ressortent du lot…
Deux constats essentiels
Au rayon des enseignements essentiels, tout d’abord, il apparaît qu’un peu moins de deux tiers des établissements pratiquent une gestion plutôt sécuritaire et formelle, un petit tiers appliquant une gestion souple et dynamique. Les bénéficiaires directs de cette pratique étant alors autant les détenus que le personnel pénitentiaire.
Au chapitre surpopulation, on relève que, dans quelques prisons, des cellules conçues pour deux détenus en «accueillent» encore toujours trois. Ce qui, ramené aux neuf mètres carrés d’une cellule, ne peut que créer tensions, problèmes et écueils en tous genres.
Et puis, de manière générale, les délais dans lesquels les services psycho-sociaux des établissements assurent le suivi des détenus et de leurs dossiers apparaissent majoritairement lents, voire très lents. Nul doute que la surcharge de travail des membres de ces services, vu les effectifs insuffisants, joue un rôle. Mais il n’en reste pas moins inadmissible que les détenus soient les premiers à pâtir de la situation.
En conclusion, si les failles de notre système carcéral sont régulièrement montrées d’un doigt accusateur, il n’est bien entendu pas étonnant que nos conseillers moraux y soient aussi confrontés. Excès de rigidité dans la gestion des établissements, surpopulation, manque d’offre de cours et de formation, peu de pratique des sports, travail pénitentiaire parcellaire, relations parfois difficiles entre détenus et surveillants: la liste des griefs à l’encontre de la prison dressée par nos conseillers apparaît sans concession. Sans compter, en outre, la vétusté scandaleuse de certaines prisons, les lacunes quant aux droits et à la dignité des détenus, ainsi que le manque criant d’encouragement et de soutien à leur réinsertion.
Les modes de gestion plus dynamiques mis en place dans les nouvelles prisons ouvertes en 2013 et en 2014 viendront-ils améliorer la situation? On peut, et doit, bien entendu l’espérer. Mais l’encadrement des détenus durant leur détention, en vue de leur retour dans la société, devra parallèlement se voir fortement amélioré. Sans quoi, on continuera à déplorer l’échec global du système carcéral et, conséquence directe, des chiffres de récidive bien trop élevés. Ce qui ne peut qu’être nocif pour ce système carcéral géré à trop court terme. Et donc pour la société dans son ensemble. Puisqu’un détenu enfermé dont on fait un révolté est aussi un détenu qui va normalement sortir un jour…