Espace de libertés | Novembre 2014

Le conseil de coopération ou la démocratie en classe


École

Lieu d’échange et de parole, confrontant celle du groupe et de l’individu, le conseil de coopération réunit, généralement une fois par semaine, à heure, jour et lieu fixes, tous les élèves de la classe ainsi que l’enseignant-e afin d’y établir les règles de la vie de la classe, discuter des projets, examiner les propositions concernant les activités et gérer les relations au sein de la classe, tout en coopérant les uns avec les autres.

De nombreuses expériences basées sur la coopération scolaire furent réalisées (O. Neill, J. Korzak…) et le sont encore à ce jour mais c’est à Célestin Freinet, pédagogue français (1896-1966) qu’est attribuée l’origine du conseil de coopération. Ce dernier a progressivement élaboré sa pédagogie sur un principe de compagnonnage et instauré, dans les années 20, le «conseil de coopérative», surtout utilisé pour la gestion des activités de la classe.

En Belgique, le conseil de coopération s’inscrit pleinement dans le cadre du décret «Missions» du 24 juillet 1997 qui donne à la Fédération Wallonie-Bruxelles l’objectif de «préparer tous les élèves à être des citoyens responsables, capables de contribuer au développement d’une société démocratique, solidaire, pluraliste et ouverte aux autres cultures».

Discuter et décider ensemble

Les élèves et l’enseignant-e se réunissent, discutent et prennent des décisions qui concernent la communauté. Le pouvoir de décision s’exerce sur l’ensemble de la vie de la classe. Le conseil s’inspire des procédures utilisées lors des assemblées représentatives d’adultes, avec un-e président-e de séance (l’enseignant-e ou l’élève volontaire, élu), un ordre du jour, des propositions, des modalités de prise de parole, des décisions prises de préférence par consensus, sinon, par vote majoritaire, à main levée ou à bulletin secret… Chaque membre du conseil a le droit à la parole et le droit de vote… qui peuvent également ne pas être exercés. La présence d’un élève vaut participation. Les ambitions, les modalités et les effets divergent bien sûr en fonction du niveau des élèves. Mais l’essence du conseil de coopération est unique de la maternelle au secondaire.

La mise en place du conseil demande d’offrir certaines libertés aux élèves concernant le fonctionnement de la classe («Je lève le doigt pour prendre la parole» ou «Enzo s’engage à ne plus déranger ses voisins dans leur travail», par exemple) ou lorsque des projets doivent être organisés, ce qui passe donc par un partage des décisions entre l’enseignant-e et les élèves. Ceux-ci peuvent, ensemble, organiser les sorties, établir l’horaire, discuter des métiers (charges des élèves), des exposés, des travaux de groupe, de l’utilisation d’outils pédagogiques… Cette cogestion peut poser problème à certains enseignants, inquiets à l’idée de déléguer une partie de leur pouvoir de décision, ce qui explique, entre autres, la rareté de cet outil pédagogique au sein des classes. Un sondage réalisé sur 67 classes de l’enseignement fondamental belge et québécois a révélé que seuls trois enseignants titulaires organisaient de manière régulière le conseil de coopération, soit 4,48%.

De l’école à la cité

Silvain Connac, docteur en Sciences de l’éducation, ex-enseignant et chargé de cours à l’Université de Montpellier, soulève que «le conseil de coopération est une façon de participer, de contribuer, en tant que citoyen, au développement des formes démocratiques de son pays. Les enfants rencontrent en effet, dès l’école, dès leur enfance, les façons de vivre la démocratie. Or, il ne faut pas compter sur les médias à cette fin, seule l’école est compétente». Les élèves apprennent à s’écouter, à tenir compte des opinions divergentes, à prendre la parole et à exprimer leurs idées librement, à oser donner leur avis et à s’affirmer.

Respect de soi et des autres, égalité, collaboration, autonomie, liberté d’expression, droit de vote, sens des responsabilités… Si les enseignants ont la volonté de placer ces valeurs de base au centre de leur pédagogie et leur enseignement, de préparer les élèves, citoyen-ne-s de demain, à la vie en démocratie, le conseil de coopération peut aider à atteindre ces objectifs.