Espace de libertés | Novembre 2014

L’OSCE, nouveau lieu de rencontre des fondamentalistes religieux


International

Tous les ans, l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) organise une rencontre avec des ONG, le «Human Dimension Implementation Meeting». À la base de cette rencontre était l’idée de permettre aux délégations nationales et à des organisations de défense des droits de l’homme d’échanger sur des sujets d’actualité. Parce que toute organisation peut prétendre intervenir à ces rencontres, ces dernières se sont vite transformées en un lieu de rendez-vous des fondamentalistes religieux de toute l’Europe.


Étaient notamment présents cette année de nombreuses organisations raëliennes et scientologistes, des témoins de Jéhovah et de nombreux représentants de l’Église orthodoxe et de groupuscules d’obédience catholique. Ces organisations ont eu l’occasion de défendre des thèses fondamentalement contraires aux valeurs humanistes et laïques, tout particulièrement lors de la rencontre sur la liberté de religion et de conscience.

Libertés

Le Centre d’Action Laïque et la Fédération Humaniste Européenne (FHE) se sont engagés pour la liberté de pensée, de conscience, de religion et de croyance qui est un droit fondamental de toute personne. En tant que droit de l’homme universel, la liberté de religion et croyance est un élément essentiel du respect de notre diversité. Cette liberté inclut le droit de ne pas avoir de religion ou de ne pas croire en un dieu ainsi que le droit de quitter sa religion ou d’en changer. La liberté de croyance et religion s’applique aux individus, et le CAL et la FHE ont fermement condamné toute attaque contre des individus à cause de leur croyance ou non-croyance.

Mais il leur a fallu rappeler également que la liberté de croyance et de religion est une liberté accordée à des individus et non pas à leur croyance. Plusieurs associations fondamentalistes d’obédience catholique présentes à l’OSCE ont en effet mélangé critique de l’Église de Rome et discrimination. Le CAL a rappelé que les formes de contestation non violentes contre un dogme ne peuvent en aucun cas être considérées comme un cas de discrimination. C’est l’une des formes d’expression les plus basiques de la liberté d’expression. La critique d’un dogme ne prive pas les personnes adhérant à ce dogme de leurs droits fondamentaux.

De plus, le CAL a dû rappeler que bien que la liberté d’avoir ou non une religion est absolue, il n’en est pas de même de la manifestation de cette religion qui peut être sujette à limitation, notamment pour la protection des droits d’autrui. Ces limitations sont inscrites dans le droit européen ainsi que dans plusieurs recommandations de l’OSCE. Elles sont nécessaires pour s’assurer que les droits d’autrui ne sont pas mis en danger, comme cela a été le cas dans plusieurs cas récents.

Discriminations

Dans une dynamique croissante, certains fondamentalistes religieux tentent d’utiliser le concept juridique de liberté religieuse pour imposer leur dogme. Au Royaume-Uni, des propriétaires d’un bed and breakfast ont refusé l’accès à un couple homosexuel car ils refusaient, en tant que chrétiens, d’accueillir des couples non mariés. Condamnés à payer une amende, ils ont porté plainte –sans succès– pour discrimination contre leurs valeurs chrétiennes. Accepter des conduites discriminatoires au nom de la liberté religieuse et de la discrimination qui s’ensuivrait de limitations à celle-ci est une pente dangereuse. À l’OSCE, plusieurs organisations fondamentalistes ont plaidé pour une liberté de pratique religieuse absolue. Ces organisations sont également actives au Conseil de l’Europe (1) et ont leurs entrées au Parlement européen à travers le Mouvement politique européen chrétien (ECPM) et plusieurs députés d’extrême droite.

Objection de conscience

À l’OSCE, ces organisations sont également actives par le biais de side events, des évènements leur permettant d’inviter des délégations nationales à des conférences sur des thèmes données. Cette année, plusieurs organisations fondamentalistes (Alliance Defending Freedom, Observatory on Intolerance Against Christians, Ordi Iuris) ont débattu de l’objection de conscience. Empruntant le vocabulaire des droits de l’homme, ces organisations ont tenté de pousser vers une objection de conscience plus large, incluant non seulement les individus mais également les institutions. Cette demande s’est basée sur le cas récent d’un directeur de clinique polonais, le docteur Bogdan Chazan qui, non content de refuser l’avortement à une patiente dont le fœtus avait une grave malformation et aucune chance de survie, a également interdit à ses médecins de pratiquer une interruption de grossesse. Par conséquent, la patiente n’a pas pu trouver de médecin dans la limite des délais légaux et a dû poursuivre sa grossesse à terme.

Ces attaques répétées contre la laïcité et les droits de l’homme menacent les fondements mêmes de notre société.

Pour les organisations fondamentalistes, l’objection de conscience doit permettre d’empêcher l’acte et non seulement permettre au docteur (ou aux maires dans le cas également évoqué des mariages entre personnes de même sexe) de ne pas le pratiquer lui-même. Une telle vision reviendrait de facto à priver certaines personnes de leurs droits au nom de la liberté religieuse d’autrui, ce qui biaise l’esprit des textes internationaux en matière de liberté religieuse.

Ces attaques répétées contre la laïcité et les droits de l’homme menacent les fondements mêmes de notre société et des valeurs de l’Union européenne et il convient de s’opposer fermement à toute tentative d’utilisation du concept de liberté religieuse à des fins discriminatoires.

 


(1) Voir le rapport contre la discrimination des chrétiens en Europe qui a été présenté à l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe cette année.