Après avoir lu le livre de Justine Lacroix et Jean-Yves Pranchère, j’ignore encore si les droits de l’homme rendent idiots mais suis sûr d’une chose : je me sens, à ma modeste échelle, moins idiot après l’avoir lu. Plus sérieusement, les droits humains constituent un des thèmes de prédilection des deux auteurs, cela se sent et se lit aisément. Dans ce court ouvrage, face à des attaques qui se multiplient sous des angles les plus divers (citoyenneté et démocratie, capitalisme, muflerie), leur volonté est de défendre ces droits, de les remettre en perspective et, finalement, d’en souligner toute l’actualité et le besoin. En considération de la montée en flèche des populismes et des idées reçues, les auteurs contrent avec talent ceux qui réduisent les droits fondamentaux à « une variable d’ajustement secondaire par rapport aux valeurs considérées comme prioritaires : le libre-échange, la libre circulation des capitaux, l’austérité budgétaire et la fermeture des frontières de l’Europe aux migrants ». Présentés comme une « coordonnée nécessaire du débat démocratique », ces droits « ne donnent pas d’indications précises sur les modes de vie souhaitables, mais ils énoncent les conditions qu’un régime politique doit respecter pour mériter le nom de démocratie », soulignent les auteurs. Bref, plutôt que de faire porter à la prétendue « idéologie des droits de l’homme le chapeau de tous les maux qui traversent nos sociétés », ils préfèrent « admettre que les droits de l’homme sont inévitablement ouverts à des lectures divergentes, et défendre dans l’espace public les interprétations qui semblent le plus à même de protéger l’égale dignité de tous ». Ce qui, inéluctablement, demandera du temps et de l’engagement. Mais, ainsi que le signalent les auteurs, « à la dénonciation mécanique de l’extension des droits individuels, il est plus fécond de préférer le patient travail d’élucidation des concepts de liberté et d’égalité inscrits au cœur des droits de l’homme ». Au travail ! (bvdm)
Des idées et des mots