Nos sociétés ont le hoquet. Alors, chacun.e y va de sa petite recette miracle pour sortir de cette crise de démocratie, qui touche certes l’ensemble du globe, mais qui s’alourdit encore de nos spécificités nationales. Parmi les solutions « Yaka », celle du tirage au sort de citoyen.ne.s invité.e.s à constituer une assemblée, peine à convaincre. Comme dirait ma collègue : le tirage au sort, avec ou sans boules, avec ou sans bol, sera-t-il une nouvelle chance pour la démocratie ? Le scepticisme est de mise.
Tout d’abord, cela présuppose que « le peuple » serait détaché de la chose politique et que cela comblerait son manque d’implication. Or, si l’on observe en effet une lassitude, de la colère ou un rejet d’une certaine élite politique, tant les mouvements sociaux, les grèves, que les multiples mobilisations de la société civile démontrent a contrario que les citoyen.ne.s s’estiment concerné.e.s au premier chef par le politique, mais aussi que les « corps intermédiaires » jouent leur rôle. C’est davantage l’écart entre la vision d’une certaine politique dictée par la financiarisation de l’économie et ses effets délétères, ou une représentativité quelquefois perçue comme trop éloignée des réalités de terrain, qui posent problème. Les répercutions d’ordre économique pesant proportionnellement davantage sur les classes moyennes et inférieures, que sur les fameux 1 % de nantis, qui ne contribuent pas équitablement au système.
Ce sont plutôt les dérives des rouages démocratiques qui interpellent, davantage que la démocratie représentative en tant que telle. D’ailleurs, en quoi serions-nous mieux représentés par des personnes tirées au sort pour exécuter une mission qui nécessite, selon les portefeuilles, une technicité certaine ? S’imprégner d’une problématique pour y adjoindre des solutions prend du temps ! Autre bémol : les interventions de ces assemblées citoyennes sont souvent basées sur des missions axées sur le court terme.
Or, là encore, il nous semble que ce qui manque à notre système politique démocratique, c’est une mémoire des actions entreprises et des répercussions sur l’histoire, davantage que du court-termisme. Tous les quatre ou cinq ans, de nouveaux et nouvelles élu.e.s et ministres concoctent leurs programmes, dont la succession ne garantit pas toujours la continuité de l’action. L’évolution de nos sociétés nécessite bien entendu une adaptation des textes de loi, mais évitons peut-être de réinventer la roue lorsque ce n’est pas nécessaire ou de réitérer les erreurs du passé. Parmi les pistes intéressantes à exploiter, celle d’une chambre « du long cours », qui serait en quelque sorte notre mémoire quant aux choix politiques qui exigent une continuité – songeons aux actions à adopter pour le changement climatique, par exemple – pourrait permettre d’atteindre les objectifs dont le terme dépasse celui de la cadence électoraliste. Couplé à un processus citoyen délibératif, mais permanent et non lié à des projets ponctuels, tel celui opté par la Communauté germanophone de Belgique, ces nouvelles instances pourraient alors présenter une force de proposition novatrice.