Espace de libertés | Octobre 2018 (n° 472)

Droits des femmes, du 1.0 au 3.0.


Dossier

Depuis les années 1960, un certain nombre de conventions internationales s’attachent à la protection des droits fondamentaux. Des textes qui visent indistinctement les hommes et femmes, ou, pour les plus récents d’entre eux, les discriminations à l’encontre de ces dernières. Un constat, plusieurs décennies plus tard : peut mieux faire !


À côté des droits civiques (obtenus dans la foulée de la Seconde Guerre mondiale), des droits économiques et sociaux (années 1960 et 1970), il reste à définir et garantir des droits porteurs d’égalité réelle. Avec une nouvelle étape à franchir : élaborer une troisième génération de droits pour les femmes. Le but : construire une société dans laquelle les hommes et les femmes sont, véritablement et effectivement, des acteurs égaux de la société qu’ils composent. À côté des textes internationaux globaux, dont la force contraignante est très variable, les États, dont la Belgique, arborent aussi une diversité législative quant à la protection des droits des femmes.

La Belgique s’est par exemple équipée de textes juridiques portant sur la parité ces deux dernières décennies. Ceux-ci couvrent en partie les différentes portes d’entrée de la discrimination envers les femmes au sein de leur vie privée, familiale, professionnelle, publique ou politique1. La loi « gender mainstreaming » a notamment pour objectif de renforcer l’égalité des femmes et des hommes, en intégrant la dimension de genre dans le contenu des politiques publiques (2007). La législation belge assure ainsi la parité sur les listes de candidatures aux élections des Chambres législatives fédérales (2002), mais la présence de personnes de sexe différent dans l’ensemble des gouvernements du pays (2003). La parité s’introduit donc lentement et doucement au sein des parlements et gouvernements belges depuis le début du XXIe siècle.

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Plus récemment, l’on peut aussi souligner l’émergence de nouveaux textes, tels que la loi relative à l’égalité salariale (2012) et celle sur la lutte contre l’écart salarial (2013), celle visant à garantir la présence des femmes dans le conseil d’administration des entreprises publiques autonomes, des sociétés cotées et de la Loterie nationale (2011). Toujours dans le domaine de la sphère professionnelle, on peut épingler la législation relative à la protection contre la violence et le harcèlement moral ou sexuel au travail (2002 et modifications en 2007). Une des dernières-nées, la loi tendant à lutter contre le sexisme dans l’espace public (2014) s’attaque pour la première fois à une problématique sous-estimée, voire tabou avec le constat que l’espace public constitue encore et toujours un terrain propice aux violences sexistes.

Urgent : dépoussiérer, aller plus loin

Cette kyrielle de lois constitue-t-elle pour autant la panacée ? Certainement pas.

Le socle de notre démocratie, la Constitution, pourrait par exemple, s’offrir un « lifting égalitaire » en plaçant au cœur de notre corpus juridique la lutte contre les inégalités de genre. En dépit des trois dispositions constitutionnelles dédiées à l’égalité entre femmes et hommes (articles 10, 11 et 11bis), notre texte constitutionnel a fait son temps… 187 ans !

Le travail reste énorme en matière de lutte contre la violence faite aux femmes, contre les stéréotypes de genre, l’égalité au travail et salariale, l’accès à la contraception, à l’interruption volontaire de grossesse, en matière de visibilité médiatique, dans le sport, etc. Une seule ministre en Belgique s’est vue confier un ministère spécialement dédié aux droits des femmes. Seule une petite moitié de la Belgique, les habitants du territoire couvert par la Fédération Wallonie-Bruxelles, est donc concernée…

L’exemple français

En France, le Haut Conseil à l’égalité a remis cette année au président de l’Assemblée nationale française un avis relatif à la révision constitutionnelle pour une « Constitution garante de l’égalité femmes-hommes ». La plupart des recommandations sont applicables à la Belgique, dont celle de rendre le vocabulaire plus inclusif, et de viser, par conséquent tou.te.s les Belges. L’enjeu est également d’empêcher d’éventuels reculs, et surtout, de permettre de nouvelles avancées, notamment en ce qui concerne le droit à la contraception, à l’IVG et à la planification familiale. Le droit à une vie sans violence sexiste et sexuelle trouverait également sa place au sein du texte constitutionnel.
La lutte contre les « inégalités d’habitude », celle contre les obstacles à l’égalité professionnelle, la protection des femmes contre les violences et la déclinaison de l’égalité dans tous les pans de l’action publique sont autant de défis qui doivent être transformés en mesures concrètes. La suite reste à construire. Et il y a urgence.


1 Voir la base de données législation de l’IEFH : www.iefh-legislation.be/