À l’heure d’envoyer ce numéro à l’imprimerie, le désormais nom de code le plus célèbre du moment – le Covid-19 – imprègne massivement l’actualité. Je dirais même toute notre société dans les moindres recoins, vu son implication directe sur notre vie quotidienne et certaines libertés usuelles. Personne ne peut à ce stade présupposer quelles seront les répercutions et avec quelle ampleur. Non seulement au niveau sanitaire, mais également quant à l’organisation de nos sociétés, quant aux réactions de la population, tant en matière d’adaptation à une crise aiguë qui, on le sait, peut générer des comportements humains aussi vertueux et généreux que pitoyables. Outre la série des fake news qui s’invite dans le débat, d’aucuns y voient un tremplin vers cet effondrement que plusieurs sociologues, écologues et économistes nous annoncent depuis plusieurs années. Effondrement, non pas dans le sens d’une fin du monde, mais bien d’un système qui ne fonctionne plus et qui s’effondre comme un soufflé au fromage, pour faire place à autre chose. Bien entendu, il serait vain, mais aussi dangereux, que ce nouveau système qui pourrait renaître des cendres de l’ancien fasse table rase de tout le passé de l’humanité. Ce serait faire fi de l’apprentissage nécessaire de nos erreurs. Manquer de recul, d’analyse, nous desservirait.
Mais si la raison est certes importante comme outil fondamental pour activer nos neurones avec une certaine efficacité, elle n’est pas la seule à devoir être sollicitée. Et le hasard faisant quelquefois bien les choses, la programmation du dossier dédié à l’esprit des Lumières dans ce numéro et les très riches analyses de nos différents collaborateurs ouvrent réellement des perspectives critiques quant aux enjeux de société qui sont issus de ce courant philosophique et culturel, avec un écho finalement très actuel. La critique constructive de ces différents articles permet de s’outiller intellectuellement pour analyser ce que nous vivons aujourd’hui. Sapere Aude ! (Osez penser), se fonder son propre entendement : voilà ce que nous proposent les Lumières afin d’éviter la position de « grenouilles résignées », comme explicité dans l’un des articles. N’oublions cependant pas que le cerveau ne serait rien sans le corps et qu’à la dimension intellectuelle, il est nécessaire d’y associer ce qui fonde notre rapport plus charnel aux autres : l’empathie, le sentiment de solidarité et l’humanisme.