Espace de libertés – Avril 2016

Dans l’esprit de la maison


Dossier
Depuis plus de trente ans, les maisons de la laïcité sont présentes sur le terrain concret de l’action militante et solidaire dans le champ de l’éducation populaire et de l’assistance morale.

Au sein du mouvement laïque, les régionales et associations constitutives du CAL et les maisons de la laïcité collaborent plus que jamais pour faire face tant aux enjeux qu’aux problématiques de la société solidaire à laquelle tous leurs membres aspirent. Mais, de nos jours, l’assistance morale doit notamment répondre à de nouveaux défis. Pour les relever, les organisations laïques s’investissent dans la mise en place de relais rassemblant non plus seulement les volontaires et les permanents d’une seule entité, mais aussi l’ensemble des antennes régionales, pour créer de nouvelles synergies et de nouvelles collaborations.

Des maisons intergénérationnelles

Ces défis, ils sont divers et relèvent, avant tout, de l’évolution des composantes de la population et de la société. Rappelons notamment que, les décennies s’écoulant, notre rassemblement fait face aujourd’hui à l’évolution naturelle que son âge respectable implique: le vieillissement des membres des conseils d’administration et des volontaires, mais aussi leur renouvellement progressif, grâce aux multiples ouvertures opérées dès à présent. La Fédération des Maisons de la Laïcité et plusieurs régionales du CAL mettent ainsi en place un véritable mouvement de Jeunesse: GO Laïcité! En somme, un laboratoire tout à la fois «bouillon de culture» et agent opératif, chaque jour plus impliqué pour promouvoir les valeurs laïques.

Si de nouveaux défis ont donc modifié nos structures et leurs synergies, notamment parce que le public a évolué avec une plus grande diversité des tranches d’âge, nul doute que les activités d’assistance morale des maisons de la laïcité ont elles aussi suivi l’air du temps, pour s’adapter au mieux à la société d’aujourd’hui et de demain.

Comme l’éducation permanente, l’assistance morale est basée sur l’écoute, la communication et l’échange pour plus de solidarité. Une différence fondamentale, toutefois, fait de l’assistance morale le moteur d’activités spécifiques: avant tout, il n’y a pas une tranche d’âge ciblée, et tous les moments de la vie peuvent recourir à son intervention. Pas étonnant, dès lors, qu’elle ait su trouver un terreau favorable, particulièrement lorsqu’il s’agit de fêter les rites de passage, moments individuels et collectifs importants qui permettent à tous de se retrouver. À tous les âges, les volontaires laïques qui œuvrent dans les maisons ont l’occasion de célébrer les grands moments au cœur de la vie des familles, de ces instants où s’ouvrir à l’autre est aussi une manière d’évoluer ou d’éprouver la solidarité. Et dans les circonstances où les croyances agissent tels des freins, les maisons de la laïcité vont investir pour offrir un nouveau «suivi»: cohabitations légales, mariages «homo», cérémonies de constitution ou de reconnaissance de familles recomposées… Ces cérémonies, avec l’évolution de la société, se sont ouvertes à l’évolution du public, toujours plus soucieux que l’assistance morale tienne compte des changements sociétaux. Ces derniers ont, dans bon nombre d’antennes laïques, débouché sur la création d’un accompagnement moral spécifique pour épauler et entourer les familles, par exemple pour suivre les membres d’une fratrie à la suite d’un suicide, ou pour une demande d’accompagnement avant une euthanasie ou une intervention volontaire de grossesse… mais aussi pour aider la famille d’un jeune handicapé à trouver une solution de logement ou de prise en charge, ou encore trouver un accompagnement existant au sein des hôpitaux, des prisons ou des centres fermés…

Du sens de l’accueil

Dans ces conditions, il convient encore de souligner deux aspects parfois méconnus ou trop vite décriés lorsque l’on envisageait jadis les activités des maisons de la laïcité. D’une part, l’importance des «boutiques d’écrivains publics» et le rôle d’accueil fondamental des permanents ou des volontaires. D’autre part, le nombre d’associations ou d’activités associatives qui trouvent, dans les antennes régionales, un lieu propice où s’héberger.

Dans le premier cas, il faut souligner le nombre important de jeunes ou de moins jeunes qui, poussant la porte des maisons, viennent d’abord et avant tout pour partager un peu de chaleur humaine. D’une tasse de café à des échanges un peu plus construits sur les inégalités de la vie, les personnes actives au sein des maisons sont rapidement sollicitées pour les aider à résoudre leurs problèmes de tous les jours, d’autant plus si la méconnaissance du français ou l’analphabétisme s’en mêlent. De la sollicitation des permanents naît un groupe d’entraide, ce que l’on appelle la «boutique d’écrivains publics», ces volontaires qui cherchent à mettre en relation, à trouver ailleurs les moyens ou les solutions pour aider les autres.

Dans l’autre cas, justement, ces moments de convivialité nés d’une rencontre, d’un débat ou d’un petit «coup de main», ont non seulement été l’occasion d’activer des réseaux de solidarité, mais aussi de créer de nouvelles associations ou d’en héberger d’anciennes. Car il peut sembler évident dans les grandes villes d’aborder, par exemple, les problèmes de la fin de vie ou de l’homosexualité, mais dans les campagnes, où la pression sociale peut peser particulièrement et dépendre encore très fortement de structures religieuses, l’accueil et l’hébergement dans les maisons de toutes les activités placées sous la liberté de pensée demeurent indispensables. Alors tant pis –ou tant mieux!– si, pour créer du lien, il faut mettre en place des ateliers «tricot» ou des «boudins-compote». Car toutes ces activités sont autant d’occasions de réunir, de communiquer, d’écouter, de transmettre, de construire… au-delà des différences ou des générations.

Pour conclure, l’assistance morale est une des pierres de fondation du réseau associatif sans lequel les valeurs chères au mouvement laïque ne pourraient trouver de concrète réalisation. L’assistance morale, c’est réaliser que le «vivre libres, ensemble», ne peut reposer que sur notre ouverture à l’Autre. Car comment faire du vivre ensemble en restant «entre soi»?