Espace de libertés – Avril 2016

François et Cyrille chez Raoul


Coup de pholie

Incroyable, « les deux poumons de la chrétienté » ont réappris à respirer de concert. Le 12 février 2016, du moins selon le calendrier catholico-grégorien que ne suivent pas les orthodoxes, le pape François et Cyrille le patriarche de Moscou se sont réunis. Non pour clamer la réconciliation entre les deux Églises, quand même pas, mais pour appeler à l’aide afin de sauver leurs fidèles massacrés et évincés du Proche-Orient. Ils avaient l’air content, un peu coincés, mais ça, c’est dû à leur statut de représentants de Dieu, chacun selon sa chapelle. L’une se veut « universelle », ce qui se dit katholicos en grec, tandis que l’autre se prétend « orthodoxe », ce qui signifie dans la même langue « croyance droite ». Droite et non torve parce que n’empruntant pas les voies sinueuses de l’hérésie romaine, vous aviez compris.

Le plus étonnant dans cette rencontre entre l’Argentin émigré à Rome et le Moscovite qui soutient les efforts de guerre de Poutine en Syrie, c’est le lieu choisi pour l’accolade : à Cuba, chez Raul Castro, le frère de Fidel, fort peu fidèle à l’opium du peuple, comme on sait. N’allez pas « croire » qu’ils ont pesé et soupesé la thèse puis l’antithèse avant de tomber d’accord sur une synthèse. Non, trop hégélien tout ça. Leur discussion avait été minutieusement préparée depuis des mois, sinon des années. Nulle improvisation lorsqu’on est en contact infaillible avec le Créateur ! Chacun a dit ce qu’il savait que l’autre était prêt à entendre, à savoir : il faut que le massacre des chrétiens au Proche-Orient cesse et que la communauté internationale mette fin à la violence et au terrorisme. On adhère à ce vœu aussi humaniste que pieux, à la condition de ne pas oublier de parler des autres victimes civiles de Syrie, d’Irak et d’ailleurs qui ont sans doute le tort d’être musulmanes. Comme d’autres sont Kurdes, Arméniens ou Coptes. Il est dangereux, dans certaines contrées, d’être minoritaire.

Si je puis me permettre, très Saints-Pères de Rome et de Moscou, je porte à votre connaissance le souhait de vous entendre, assis autour d’un bon verre de l’amitié, débattre sur vos divergences : le statut du pape romain aux yeux de la hiérarchie orthodoxe, l’existence du purgatoire, le pain azyme, le célibat des prêtres et le mariage des popes, sans oublier le fameux « filioque » qui vous divise depuis l’an 1054. Cela fait 962 ans durant lesquels vous vous tournâtes la chasuble à cause de ce petit mot ajouté au credo romain. Vous alors, quand vous boudez, vous ne le faites pas à moitié ! Il est vrai que vous communiquez avec l’Éternel. Il est vrai aussi que l’éternité a la réputation d’être très longue. Cela explique sans doute votre lenteur. Nous, les laïques, nous n’avons que la seconde qui s’écoule. Mais aussi l’avenir à bâtir. Nous sommes donc tous d’accord : arrêtons les massacres de tout être humain, quelles que soient ses opinions.