Espace de libertés – Avril 2016

Les réfugiés, entre étoile jaune et mains aux fesses


International
En Belgique comme en Grande-Bretagne, des gouvernants rivalisent d’imagination pour «identifier» les migrants et demandeurs d’asile jusque dans la rue. Une abjecte stigmatisation qui ne doit rien à l’aveuglement coupable des bien-pensants.

Il en va des migrants comme des maladies contagieuses, mieux vaut prévenir que guérir. Ainsi, le gouvernement a-t-il décidé de rétablir, unilatéralement, les contrôles à ses frontières pour endiguer une vague d’étrangers, sans papiers ni espoir, après la fermeture d’une partie de la «jungle» de Calais. Il ne s’agit pas (encore) de dérouler les barbelés et de tirer à vue, mais le ministre français de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, s’est dit surpris par la mesure prophylactique des autorités de Bruxelles qu’il a qualifiée d’»étrange». Le rétablissement des contrôles aux frontières de l’Hexagone –tout aussi unilatéral et édicté par le même Cazeneuve– pour que les réfugiés parqués côté italien ne déferlent pas sur les plages niçoises était sans doute moins «étrange», bien que destiné aux mêmes étrangers. De même, le chantage du ministre tricolore de l’Économie, Emmanuel Macron, menaçant la Grande-Bretagne d’un déferlement des migrants de Calais sur son territoire si les Anglais se piquaient de claquer la porte de l’Union européenne, n’en est pas plus «étrange». Il s’agit juste de jouer du sort d’êtres humains dans le cadre d’une négociation diplomatique.

Haro sur l’étrange(r)!

Parfois, le mal est fait. Il est trop tard et c’est par milliers que ces réfugiés «envahissent» nos villes. La nature étant bien faite, ceux-ci sont le plus souvent reconnaissables à leur teint cuivré voire carrément passé au brou de noix. Mais, c’est aussi une malice de la nature, les étrangers sont fourbes, c’est bien connu. Aussi certains s’infiltrent-ils jusque dans nos cités, sans que les nationaux s’en aperçoivent. Jan Jambon, ministre de l’Intérieur et digne représentant de l’extrême droite flamande, a la solution. Afin de «mieux encadrer l’accueil», il a proposé, dès octobre dernier, que les réfugiés portent un badge afin «d’être mieux identifiés». Autre mesure pour un meilleur encadrement: contrôler tous les visiteurs à l’entrée des centres d’accueil, personnel des organisations humanitaires compris, qui devront s’inscrire sur un registre transmis à la police. Désolé de froisser l’ego du ministre, monsieur Jambon n’a rien inventé! En 1941 et 1942 déjà, les Parisiens pouvaient visiter l’exposition «Le Juif et la France». Celle-ci était basée sur les travaux de l’École d’anthropologie de Paris et ceux publiés dans le livre à succès Comment reconnaître le Juif?.

Il y a belle lurette que le concours Lépine de la stigmatisation bat son plein.

Quant au badge, pardon Monsieur Jambon, mais vous repasserez! Il y a belle lurette que le concours Lépine de la stigmatisation bat son plein. Et même les nazis, qui furent de grands inventeurs (les autoroutes, la signalisation routière, le ministère des Affaires culturelles), n’ont rien inauguré avec leur fameuse étoile jaune. Les droits d’auteur en reviennent à un Français, le bon roi Saint-Louis! En 1269, c’est ce souverain qui imposa aux Juifs le port de la rouelle, un morceau de tissu jaune (déjà!) ou rouge apposé sur la poitrine des hommes et un bonnet sur la tête des femmes. C’est encore Saint-Louis qui prohiba aux Juifs de cohabiter avec les bons chrétiens, créant ainsi les premiers ghettos. Avec leurs centres fermés aux contrôles renforcés, nationaux-socialistes et nationalistes flamands n’ont pas découvert le fil à couper le beurre!

Certains veulent comprendre, voire excuser le «bon sauvage»

Fin janvier, le très sérieux journal The Times publiait une enquête attestant que les logements des demandeurs d’asile à Middlesbrough, dans le nord-est de la Grande-Bretagne, seraient pratiquement tous dotés d’une porte de couleur rouge. Le vénérable quotidien britannique avait dénombré 155 portes écarlates et, en contactant 66 résidents de ces habitations, était tombé sur 62 demandeurs d’asile. Cette initiative colorée aurait été le fait d’un sous-traitant de la société privée chargée, par le gouvernement, du logement dans la région des étrangers candidats à un titre de séjour. Faute de ghettos, cette ingénieuse signalisation permet aux Anglais de souche de savoir où résident les étrangers. Parfois à quelques mètres seulement de leur sweet home, frissons garantis.

L’épineuse question du repérage des réfugiés et autres migrants est apparue comme un sujet d’autant plus prégnant après les plusieurs centaines d’agressions sexuelles et les viols commis par des étrangers, le plus souvent en situation irrégulière, dans les rues de Cologne le soir du 31 décembre dernier. Des faits similaires, certes de moindre ampleur mais tout aussi abjects, se sont notamment déroulés en Autriche et en Suède. Plutôt que de reconnaître la réalité de ces faits criminels perpétrés en bande organisée et la défaillance de leur police, les autorités allemandes ont, dans un premier temps, minoré voire nié ces «incidents», par crainte de stigmatiser une population. Superflu d’indiquer que c’est précisément l’inverse qui se produisit. Au comble du déni et de l’irresponsabilité coupable, la maire de Cologne, Henriette Reker, osa affirmer que «rien ne permet de prouver que des réfugiés se trouvaient» parmi les agresseurs. Pour finir de se vautrer dans le ridicule et la lâcheté, l’édile recommanda tout de même aux femmes de «conserver un bras de distance avec tout inconnu» dans la rue, pour échapper à une main aux fesses, aux seins, ou à quelques attouchements plus poussés. Revenant sur ces désagréments dans un éditorial intitulé «Main au cul et modernité», Charlie Hebdo, dont la parole est désormais d’or, concéda bien que «l’islam a un sérieux problème avec les femmes et il serait criminel de s’entêter à le nier, sous couvert de particularisme culturel» (ouf). Mais c’était, aussi, pour mieux rappeler qu’en France, 12 768 viols ont été commis en 2014, sans compter ceux qui sont tus. Mieux, l’oracle Charlie nous éclairait: «Certains immigrés frais débarqués en Allemagne et qui y ont découvert les pubs pour les promotions de viande humaine dans les bordels géants ont parfaitement pu se dire que la vision des femmes dans ce beau pays n’était pas si éloignée de la leur…» Explication de texte: selon Charlie, si des étrangers ont violé à Cologne, on devrait d’abord balayer devant notre porte (même pas rouge). Et s’ils se sont crus autorisés à violer, c’est parce que la prostitution est légale sous nos latitudes, contrairement à leurs pieux pays –où accessoirement l’esclavage sexuel est monnaie courante. Suggérons, à toutes fins, le port obligatoire d’une crécelle pour mieux entendre venir les couards et les sophistes.