Si, depuis plusieurs années, de plus en plus d’États américains, souvent en conséquence d’initiatives citoyennes, en sont venus à réglementer le cannabis en général pour usage thérapeutique – et pour une dizaine d’entre eux également pour usage récréatif –, il n’en demeure pas moins que sa consommation et sa détention en restent strictement prohibées au regard de la loi fédérale. C’est dans ce contexte particulier que Box Brown, dessinateur et illustrateur américain, s’attelle à expliquer le processus de criminalisation du cannabis mis en œuvre au cours du xxe siècle aux États-Unis. Après un détour par la mythologie hindoue et le traitement du bhang en Inde, l’auteur décrit l’évolution de la culture du chanvre au Mexique à la suite de son importation par Cortés et comment un mode de consommation de la plante, bien que condamné par l’Église catholique, s’installe discrètement au sein de la population autochtone. Introduit dans le sillage de l’immigration mexicaine aux États-Unis, cet usage va faire des adeptes, notamment au sein de la classe ouvrière noire. Dans les années 1920, une certaine presse sensationnaliste américaine se délecte d’articles-chocs à connotation raciste, pointant du doigt les consommateurs et distillant un climat d’inquiétude vis-à-vis de la marijuana accusée de causer violence et criminalité. Box Brown souligne le rôle prépondérant joué à partir de 1930 par Harry J. Anslinger, parfois surnommé le « McCarthy de la drogue ». Premier commissaire du bureau fédéral du département du Trésor aux narcotiques pendant trente-deux ans, celui-ci va amplifier et instrumentaliser ce sentiment anti-marijuana au moyen d’une campagne médiatique nationale mêlant stigmatisation raciste, diabolisation et désinformation. Un essai graphique captivant, au style épuré, au propos certes militant, mais bien documenté – une bibliographie à cet égard aurait été intéressante – et qui atteint pleinement son but informatif. (ac)
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